« Puisque Louis de divine mémoire a quitté cette terre sans laisser d’enfants, il a fallu chercher après mûre délibération quelqu’un pour le remplacer […] Quelle dignité peut-on conférer à Charles […] qui a eu la stupidité de s’abaisser au point de servir un roi étranger sans en rougir ? »
(vers 925-990), Discours, 987
Histoires (chronique du temps, posthume), Richer de Reims.
À la mort du jeune Louis V (suite à un accident de chasse), l’archevêque de Reims veut éliminer Charles de Lorraine, oncle du défunt, qui s’était rallié à l’empereur germanique Othon II.
« Souhaitez-vous le bonheur ou la ruine de la république ? Si vous voulez son malheur, vous devez promouvoir Charles ; si vous voulez sa prospérité, couronnez comme roi l’éminent duc Hugues. »
ADALBÉRON de Reims (vers 925-990), Discours, 987
L’archevêque de Reims indique ici le « bon choix » pour le trône ! Il faut logiquement éliminer Charles de Lorraine, qui malgré sa légitimité héréditaire, a démérité. Il plaide donc pour Hugues Capet, fils d’Hugues le Grand, maire du palais et homme de pouvoir sous Louis V. Il précise : « Le trône ne s’acquiert point par droit héréditaire et l’on ne doit mettre à la tête du royaume que celui qui se distingue non seulement par la noblesse corporelle, mais encore par les qualités de l’esprit, celui que l’honneur recommande, qu’appuie la magnanimité. »
Couronné à Reims par Adalbéron, le 3 juillet 987, le duc Hugues, devenu Hugues Ier, est proclamé roi des Gaulois, Bretons, Danois (Normands), Aquitains, Goths, Espagnols et Gascons. En réalité, il ne régnera jamais que sur un royaume s’étendant de l’Oise à Orléans.
« Dans la personne de Hugues Capet s’opère une révolution importante : la monarchie élective devient héréditaire ; en voici la cause immédiate : le sacre usurpa le droit d’élection. »
François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Analyse raisonnée de l’histoire de France (1845)
Le grand écrivain romantique projetait une Histoire de France qui ne verra jamais le jour, mais il a publié quelques essais et réflexions, sur les deux thèmes qui lui tiennent le plus à coeur : la religion, et la monarchie.
C’est l’un des apports capitaux du règne d’Hugues Capet : il fonde une nouvelle dynastie et pour en assurer la pérennité, le jour de Noël suivant (25 décembre 987), il s’empresse de faire élire et sacrer par anticipation son fils Robert dit le Pieux, qu’il associe au trône.
« Qui t’a fait comte ?
— Qui t’a fait roi ? »HUGUES Ier (vers 941-996) et ADALBERT de Périgord (vers 924-995), vers 990-993
Le roi, légitimé par le sacre de Reims et créateur de la dynastie (dite plus tard) capétienne, apostrophe le comte Adalbert qui a envahi la Touraine et refuse de lever le siège de Tours. Le comte réplique en insultant son suzerain dont il met en cause l’autorité, mais aussi la légitimité. Hugues Capet a en effet pris la place de Charles de Lorraine, carolingien descendant de Charlemagne, personnage devenu légendaire.
Cet échange de propos illustre les relations tendues entre le roi et ses grands vassaux, souvent plus puissants que lui : levant les impôts, faisant eux-mêmes la justice et menant leur propre guerre. L’hérédité de la couronne va leur enlever une part importante de leurs attributions et de leurs pouvoirs.
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