« Quelque mauvais que puisse être un prince, la révolte de ses sujets est toujours infiniment criminelle. »
(1627-1704), Politique tirée des propres paroles de l’Écriture sainte (posthume)
L’évêque de Meaux, qui fut le véritable chef de l’Église en France, pousse très loin la doctrine de la monarchie absolue et de droit divin. Mais il exprime l’opinion de l’immense majorité des Français, et même des Européens de l’époque, pour qui le roi est l’image de Dieu sur Terre et de sa toute-puissance. Cela dit, être roi est un métier pour Louis XIV, son premier devoir étant de l’exercer aussi consciencieusement et rigoureusement que possible.
« Qui presse trop la mamelle pour en tirer du lait, en l’échauffant et en la tourmentant, tire du beurre ; qui se mouche trop fortement fait venir le sang ; qui presse trop les hommes excite des révoltes et des séditions. C’est la règle que donne Salomon. »
BOSSUET (1627-1704), Politique tirée de l’Écriture sainte (posthume)
Le prélat dénonce ici les méfaits d’une trop forte pression fiscale. Colbert tente en vain d’équilibrer le budget de l’État, mais la guerre et l’industrialisation du pays sont trop coûteuses et il n’ose pas s’attaquer au vrai problème : des impôts mal répartis et peu productifs. Il commence par poursuivre les financiers concussionnaires, traquer les faux nobles (s’exemptant de la taille). Cela ne suffit pas, il doit accroître les impôts indirects (gabelles sur le sel, traites, c’est-à-dire douanes intérieures, aides sur les boissons) et en créer de nouveaux : enregistrement, estampille des métaux précieux, marque des cartes à jouer, papier timbré. Cette politique cause des révoltes : contre la gabelle en Béarn (1663) et en Roussillon (1668), contre les aides en Berry (1663), contre le papier timbré en Bretagne et Guyenne, avec des jacqueries paysannes (1675). En 1680, année de la création de la Ferme générale (et de l’unification des fermes, des gabelles, traites, aides, etc.), les révoltes fiscales se multiplieront.
« Il n’y a jamais rien à ajouter à la Religion, parce que c’est un ouvrage divin qui a d’abord la perfection […] Les hérésies n’ont jamais été que des opinions particulières, puisqu’elles ont commencé par cinq ou six hommes. »
BOSSUET (1627-1704), Six Avertissements aux protestants (1689-1691)
Théologien passionné autant que partisan et partial, l’évêque de Meaux s’exprime ici en véritable chef de l’Épiscopat français. Gallican défenseur de l’unité de l’Église de France, il lutte contre l’hérésie, notamment le protestantisme et le quiétisme.
Le siècle est sans pitié pour les insoumis en matière de religion, et ces luttes divisent les Français. Les jansénistes de Port-Royal sont les premiers persécutés du règne, mais c’est la révocation de l’édit de Nantes qui, en supprimant la liberté du culte acquise sous Henri IV, est aujourd’hui considérée comme l’une des plus graves erreurs politiques de Louis XIV.
« Ô nuit désastreuse ! ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, Madame est morte. »
BOSSUET (1627-1704), Oraison funèbre d’Henriette Anne d’Angleterre (1670)
Depuis dix ans, Bossuet est le prédicateur de la cour : des sermons par centaines, et une éloquence incantatoire dont Malraux, ministre de la Culture, retrouvera les accents et le lyrisme, trois siècles après. L’éloge funèbre de Madame, femme de Monsieur, est un modèle du genre.
Le frère du roi, Philippe d’Orléans, fut marié malgré lui à cette princesse anglaise, maigre comme « les os des Saints Innocents » (1661). La cour de France et l’amour de quelques amants (dont le roi) ont métamorphosé Henriette. Aussi belle que spirituelle, elle vit au-dessus des moyens d’une santé fragile : passion pour la chasse et la danse, intrigues, quatre maternités, scènes de jalousie de Monsieur qui voit sa femme dans les bras de son favori, le comte de Guiche…
On parla d’un empoisonnement, démenti après autopsie. En tout cas, la mort subite d’Henriette, à 26 ans, cause un émoi dont Bossuet donne un juste écho : « Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du prophète : “Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d’étonnement.” »
« Les papes n’ont reçu de Dieu qu’un pouvoir spirituel. Les rois et les princes ne sont soumis dans les choses temporelles à aucune puissance ecclésiastique. »
BOSSUET (1627-1704), Déclaration des Quatre Articles, 19 mars 1682
Votée par l’assemblée générale extraordinaire du clergé : l’ingérence du pape dans les affaires de l’Église de France est considérée comme une violation du concordat de 1516 et les libertés de l’Église gallicane sont officiellement proclamées. L’obscurité de certains passages doit être volontaire : il faut éviter l’irréparable, le schisme, la rupture avec Rome, dans une France profondément catholique. Louis XIV, satisfait de son clergé, érige aussitôt cette Déclaration en loi.
« Le propre de l’hérétique, c’est-à-dire de celui qui a une opinion particulière, est de s’attacher à ses propres pensées. »
BOSSUET (1627-1704), Histoire des variations des Églises protestantes (1688)
À plus de 60 ans, il continue de se battre contre les protestants, tout en travaillant à l’union des Églises comme en témoigne sa correspondance loyale avec le philosophe protestant Leibnitz. L’histoire jugera avec sévérité la révocation de l’édit de Nantes, aux conséquences désastreuses pour la France. Louis XIV, mal conseillé, mal informé, ne les a pas prévues. Ses motivations sont religieuses et politiques : en éliminant l’hérésie, il veut se poser en champion de la chrétienté en Europe, réussir ce que Charles Quint a manqué en Allemagne et affermir son autorité de Roi Très Chrétien et de droit divin, dans une France catholique.
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