Chronique (1328-1483)
Guerre de Cent ans : petit royaume en grand péril à la fin du Moyen Âge.
Édouard III d’Angleterre revendique le titre de roi de France en 1337 et commence contre Philippe VI de Valois une guerre si longue que les historiens la nommeront guerre de Cent ans.
Édouard et son fils, le Prince Noir, battent les Français à Crécy (1346) et à Poitiers (1356), le roi Jean II le Bon (le Brave) est fait prisonnier. La guerre de Succession de Bretagne, les menées du roi de Navarre (Charles le Mauvais) et la Grande Peste apparue à Marseille (1348) ajoutent aux malheurs de la France.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Qui m’aime me suive ! »279
(1293-1350), avant la bataille du mont Cassel, 23 août 1328
Les Proverbes : histoire anecdotique et morale des proverbes et dictons français (1860), Joséphine Amory de Langerack.
(…) Le roi veut aider le comte de Flandre à mater la révolte des Flamands. Les barons protestent (…) Le connétable de France (…) n’est pas de cet avis : « Qui a bon cœur trouve toujours bon temps pour la bataille. » À ces mots, le roi l’embrasse, lance cet appel… Et tous les barons le suivent. L’autorité de ce premier Valois contesté s’en trouve renforcée.
« Le roi d’Angleterre n’a nul droit de contester mon héritage. J’en suis en possession et défendrai mon droit de tout mon pouvoir contre tout homme. »280
Philippe VI de VALOIS (1294-1350), 24 mai 1337 (…)
(…) Édouard III peut juridiquement prétendre à la succession (comme petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle de France), mais le sentiment national l’a emporté et l’assemblée des barons a choisi le Français, Philippe. Les relations se tendent à nouveau entre les deux pays.
« Nous conquerrons par notre puissance notre héritage de France, et, de ce jour, nous vous défions et vous tenons pour ennemi et adversaire. »281
ÉDOUARD III d’Angleterre (1327-1377), Lettre à Philippe VI de Valois, 19 octobre 1337
Cette « lettre de défi » vaut déclaration de guerre (…) Entre la France et l’Angleterre, c’est la « guerre larvée », avant la guerre ouverte : une guerre dynastique de cent ans ! (…) En 1340, Édouard III se proclame « roi de France et d’Angleterre » et sa flotte bat la flotte française (…) Il remonte la Somme, arrive aux portes de Paris, à Crécy.
« Si lui mua le sang, car trop les haïssait. »282
Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), parlant du roi de France face aux Anglais, bataille de Crécy, 26 août 1346 (…)
Le chroniqueur conte par le menu les hauts faits de la chevalerie. Cette fois, le désastre va être complet (…) À la vue des Anglais, Philippe VI perd son sang-froid et charge imprudemment. Premier choc frontal de la guerre de Cent Ans. Et pour la première fois, l’artillerie apparaît sur un champ de bataille.
« Ces bombardes menaient si grand bruit qu’il semblait que Dieu tonnât, avec grand massacre de gens et renversement de chevaux. »283
Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), Chroniques, bataille de Crécy, 26 août 1346
Les canons anglais, même rudimentaires, impressionnent les troupes françaises, avec leurs boulets de pierre. L’artillerie anglaise, jointe à la piétaille des archers gallois, décime la cavalerie française réputée la meilleure du monde, mais trop pesamment cuirassée pour lutter contre ces armes nouvelles (…) C’est la fin de la chevalerie en tant qu’ordre militaire (…)
« Ouvrez, c’est l’infortuné roi de France. »284
Philippe VI de VALOIS (1294-1350), aux gardes du château de la Broye, le soir de la défaite de Crécy, 26 août 1346. Chroniques, Jean Froissart
Le roi demande asile. Après cette bataille mal préparée, mal conduite, mal terminée, il a dû fuir. Tous les chevaliers restés fidèles sont morts ou en déroute. Il se repose au château (…) Quand il apprend l’étendue du désastre, il se retire à l’abbaye de Moncel, pour y méditer plusieurs jours (…)
« Et je me remettrai volontiers, vêtu seulement de ma chemise, nu-tête, nu-pieds et la corde au cou, à la merci du noble roi d’Angleterre. »285
EUSTACHE de SAINT-PIERRE (vers 1287-1371), 3 août 1347. Chroniques, Jean Froissart
(…) Les Anglais ont mis le siège devant Calais et, onze mois après, la ville est réduite aux abois. Eustache de Saint-Pierre, le plus riche bourgeois, vient implorer le roi d’Angleterre pour obtenir le salut de sa ville en échange de sa vie. Cinq autres se déclarent prêts au sacrifice.
« Six des bourgeois les plus notables, nu-pieds et nu-chef, en chemise et la hart [corde] au col, apporteront les clefs de la ville et châteaux et de ceux-ci je ferai ma volonté. »286
ÉDOUARD III d’Angleterre (1327-1377), 3 août 1347. Chroniques, Jean Froissart
Le roi, qui a promis la mort à tous les habitants de la ville, se ravise et accepte le sacrifice des six bourgeois (…) Plusieurs hauts personnages de son entourage intercèdent en leur faveur, mais en vain (…) Quand la reine d’Angleterre, Philippine de Hainaut, intervient à son tour.
« Je secourrai “Ah ! noble sire, depuis que j’ai fait la traversée, en grand péril, vous le savez, je ne vous ai adressé aucune prière, ni demandé aucune faveur. Mais à présent je vous prie humblement et vous demande comme une faveur personnelle, pour l’amour du fils de sainte Marie et pour l’amour de moi, de bien vouloir prendre ces six hommes en pitié. ”mien frère Charles par mon aide. »287
PHILIPPINE de Hainaut (vers 1310-1369), reine d’Angleterre 4 août 1347. Chroniques, Jean Froissart
La reine, « durement enceinte », s’est jetée aux genoux de son royal époux. Elle fait preuve de toute sa vertu chrétienne pour sauver les malheureux.
« Ah ! Madame, j’eusse mieux aimé que vous fussiez ailleurs qu’ici. Vous me priez si instamment que je n’ose vous opposer un refus, et quoique cela me soit très dur, tenez, je vous les donne : faites-en ce qu’il vous plaira. »288
ÉDOUARD III d’Angleterre (1327-1377), 4 août 1347. Chroniques, Jean Froissart
Le roi se laisse finalement fléchir (…) Calais devient anglaise le 3 août 1347, et jusqu’au 6 janvier 1558, lorsque Henri II de France reprendra la ville à Marie Tudor. L’épisode des « bourgeois de Calais » sera immortalisé dans le bronze par le sculpteur Auguste Rodin (…)
« Le vulgaire, foule très pauvre, meurt d’une mort bien reçue, car pour lui vivre, c’est mourir. »289
SIMON de Couvin (??-1367). Étude historique sur les épidémies de peste en Haute-Auvergne, XIVe-XVIIIe siècles (1902), Marcellin Boudet, Roger Grand
Aux malheurs de la guerre s’ajoute une calamité plus terrible encore. Des vaisseaux génois venus de Crimée apportent la Grande Peste (…) Un homme sur trois mourut. Dans certaines régions de France, deux sur trois. Pour l’ensemble de l’Europe, les pertes atteignent entre le quart et la moitié de la population.
« Les hommes et les femmes qui restaient se marièrent à l’envi. »290
Jean de VENETTE (vers 1307-vers 1370), La Peste de 1348, chronique
(…) Il décrit les aspects de la maladie dont on ignore les causes – on incrimine les juifs, les sorcières, les chats noirs… D’où des massacres en série. Les remèdes de la médecine font plus de mal que de bien, affaiblissant les corps (saignées, laxatifs). Mais la pandémie se termine en quelques mois. La vie reprend ses droits (…)
« On vit des pères tuer leurs enfants, des enfants tuer leur père ; on vit des malheureux détacher les corps suspendus aux gibets, pour se procurer une exécrable nourriture. Des hameaux disparurent jusqu’au dernier homme. »291
Chronique du temps. Histoire de la France et des Français (1972), André Castelot, Alain Decaux
Après la peste de 1348, voici la famine de 1349. Par suite de l’épidémie, il n’y a eu ni moissons, ni labours, ni semailles. Le peuple, déjà appauvri, meurt littéralement de faim. La mort est à ce point présente que les églises s’ornent de danses macabres (…)
« Le roi Jean était souvent hâtieux, dans sa haine. »292
Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), Chroniques
(…) Jean II, dit le Bon (le brave, l’intrépide) est couronné le 26 septembre 1350 à Reims. Son règne s’ouvre sur un drame qui illustre le trait de caractère dénoncé par le chroniqueur (…) Raoul de Brienne, « un des plus glorieux chevaliers du royaume », connétable de France (…) « sans loi et sans jugement » est décapité le 18 novembre 1350.
« Bois ton sang, Beaumanoir, la soif te passera. »293
Chevalier Geoffroy de BOVES, ou du BOIS (XIVe siècle), à Jean de Beaumanoir, blessé au combat, mars 1351. Ballade de la bataille des Trente, chanson de geste, anonyme, Histoire de la littérature française (1905), Émile Faguet.
Épisode de la guerre de Succession de Bretagne (…) Le combat des Trente oppose trente Français, commandés par le baron de Beaumanoir, et une troupe composée de trente Anglais, Allemands et Bretons, commandée par Bemborough, capitaine anglais. Froissart relate ce fait d’armes « moult merveilleux », c’est surtout un carnage qui va durer tout un jour (…)
« Et pour ce qu’il avait entendu, que les sujets du royaume se tenaient fortement aggravés de la mutation des monnaies, [Jean II le Bon] offrit à faire bonne monnaie et durable, mais que l’on fît autre aide qui fût suffisante pour faire la guerre. »294
Grandes Chroniques de France
(…) Les guerres ont englouti tout l’argent dont le roi Jean peut disposer (…) Il promet de ne plus toucher à la valeur de la monnaie (…) En échange, les députés, avec à leur tête le prévôt des marchands de Paris, Étienne Marcel, acceptent de généraliser l’application de la gabelle et de créer une taxe sur les marchandises (…)
« Le roi [Jean II le Bon] savait que la victoire était déjà aux mains de ses ennemis. Il ne voulut pas, par une vile fuite, avilir la couronne et finalement poursuivit le combat. »295
Matteo VILLANI (vers 1295-1636), Chronique
(…) Fort attaché à l’esprit de chevalerie, le roi a créé en 1352 l’ordre de l’Étoile, dont les chevaliers membres s’engagent à « ne jamais reculer sur le champ de bataille de plus de quatre arpents ». Ce serment aura de dramatiques conséquences, à la bataille de Poitiers.
« Père, gardez-vous à droite, père, gardez-vous à gauche. »296
PHILIPPE II de Bourgogne, dit le Hardi (1342-1404), à Jean II le Bon, bataille de Poitiers, 19 septembre 1356. Histoire de France (1868), Victor Duruy
Le dernier fils du roi, 14 ans, tente de détourner les coups pour sauver son père. Il ne régnera pas, mais recevra la Bourgogne en apanage et le surnom de Philippe le Hardi. Jean le Bon (le Brave) aligne 15 000 hommes. Face à lui, 7 000 Anglais et à leur tête, le Prince Noir – prince de Galles, redoutable chef de guerre (…) Archers anglais, contre chevaliers français.
« Là périt toute la fleur de la chevalerie de France : et le noble royaume de France s’en trouva cruellement affaibli, et tomba en grande misère et tribulation. »297
Jean FROISSART (vers 1337-vers 1400), Chroniques
« Fortuneuse bataille » pour les Anglais (…) La France va le payer très cher (…) Il faut verser la rançon du roi prisonnier en Angleterre (…) Les impôts s’alourdissent (gabelle et taille). Les paysans pauvres, les Jacques, vont se révolter (…) les Grandes Compagnies (bandes de mercenaires) pillent et rançonnent les plus riches provinces. Paris va se soulever (…)
« Le royaume a été mal gouverné. Beaucoup de malheurs en ont résulté pour ses habitants, tant en la mutation des monnaies qu’en réquisitions. Les deniers que le roi a tirés du peuple ont été mal administrés et ont été donnés à plusieurs qui ont mal servi. »298
Préambule de la Grande Ordonnance du 3 mars 1357, rendue au nom des gens d’Église et des gens des bonnes villes, sur le rapport de Jean le Coq
Texte de 61 articles pour une réforme administrative, imposée par les députés des États généraux de nouveau réunis, avec le plus véhément d’entre eux, Étienne Marcel. La Grande Ordonnance est présentée au dauphin Charles, futur Charles V, « lieutenant du roi » en l’absence de son père Jean II, prisonnier en Angleterre, après la défaite à Poitiers (1356) (…)
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