La raison d’État (initiée par Machiavel), pièce maîtresse de la politique du cardinal, annonce la monarchie absolue, apogée de l’Ancien Régime. L’Empire en usera et abusera, avec Napoléon… Mais la notion survit dans l’État de droit, en République. (Sur le site de l’Histoire en citations, l’indexation donne nombre d’exemples)
À feuilleter pour tout savoir.
« Qui a la force a souvent la raison, en matière d’État. »685
« … Et celui qui est faible peut difficilement s’exempter d’avoir tort au jugement de la plus grande partie du monde. »
Le cardinal est l’homme de son temps, le XVIIe siècle. Pour tous les légistes et les privilégiés du régime comme pour le peuple, le pouvoir monarchique vient de Dieu et la puissance du pays n’existe que par ce pouvoir. Il faut donc que le roi qui incarne l’État sache se faire obéir à l’intérieur et craindre à l’extérieur.
En vertu de quoi Richelieu lutte pour la restauration de l’autorité royale contre les Grands du royaume (haute noblesse, source d’anarchie) et les protestants (cet « État dans l’État »), en même temps que pour la prépondérance de la France en Europe face aux puissants Habsbourg d’Autriche et d’Espagne.
« Les sources de l’hérésie et de la rébellion sont maintenant éteintes. »702
Cardinal de RICHELIEU (1585-1642), Lettre au roi Louis XIII, août 1629, après la prise de La Rochelle
Mais à quel prix ! 15 mois de siège, les trois quarts des habitants ont péri (22 500 morts, surtout de faim). Fortifications rasées, franchises municipales supprimées : la ville ne s’en remettra pas de longtemps. La guerre contre les protestants se prolonge dans le Midi, jusqu’à la soumission des dernières résistances : populations massacrées, citadelles détruites. Pour Richelieu, la raison d’État justifie ces moyens. L’édit de grâce (ou paix) d’Alès, accordé aux rebelles (28 juin 1629), laisse aux protestants la liberté de leur culte et confirme l’édit de Nantes (de 1598), mais leur ôte tous les privilèges militaires et politiques. Fin de ce dangereux « État dans l’État ».
« Ici rien pour la nature. Dieudonné est le fils de la raison d’État. »726
Jules MICHELET (1798-1874), Histoire de France, tome XIV (1877)
La raison d’État s’impose aussi dans la vie privée des personnages publics. La longue stérilité du mariage royal faisait craindre pour la succession. « L’enfant apparut au moment où la mère se croyait perdue si elle n’était enceinte. Il vint exprès pour la sauver. » Le roi étant peu empressé auprès de la reine, les bonnes âmes murmurent les noms d’amants supposés. Un doute planera toujours sur la filiation entre Louis XIII le Juste et ce petit Dieudonné qui deviendra Louis XIV le Grand.
« L’art de la police est de ne pas voir ce qu’il est inutile qu’elle voie. »1760
Napoléon BONAPARTE (1769-1821), Premier Consul, Au citoyen Fouché, 24 mai 1800
Le futur empereur s’adresse au ministre de la Police, éminence grise et pilier du régime, qui fait souvent couple avec Talleyrand, tout aussi talentueux et détestable. Un trio passé maître dans l’exercice de la raison d’État.
« Nous allons terroriser les terroristes. »3262
Charles PASQUA (1927-2015), ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac, mars 1986
Message bien reçu par l’opinion publique, quand les attentats se multiplient à Paris dans un climat de terreur. Le 7 août, l’Assemblée vote les lois Pasqua, très répressives. Mais la vague terroriste recommence. L’attentat le plus meurtrier, rue de Rennes, devant le magasin Tati, fait 7 morts, 51 blessés.
« La démocratie s’arrête là où commence la raison d’État. »3272
Charles PASQUA (1927-2015), ministre de l’Intérieur, déclaration à la télévision en 1987
Il justifie les lois Pasqua. Les militants gaullistes ont applaudi à l’arrestation du groupe terroriste « Action directe », comme au contrôle renforcé sur le séjour des étrangers, tandis que la gauche dénonce une politique sécuritaire liberticide. Chacun est dans son rôle.
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