Sous la Révolution comme en tout autre époque, l’humour est l’arme qui peut blesser sans tuer. L’esprit français fait merveille. On retrouve au passage quelques noms connus.
« Ils sont toujours en retard d’une armée, d’une année et d’une idée. »1248
(1753-1801), jugeant la haute noblesse de son temps
Promenades littéraires (1904), Rémy de Gourmont.
Rivarol, pourtant royaliste, « tire le premier », avant même la Révolution, contre les notables convoqués le 22 février 1787. Calonne, contrôleur général des Finances de Louis XVI, présente sa réforme fiscale, avec la création d’une « subvention territoriale ». Ce nouvel impôt, unique et perpétuel, frappera tous les revenus fonciers, la plupart des (gros) propriétaires terriens appartenant à la noblesse et au clergé. Les 144 notables, à la quasi-unanimité, s’opposent au projet. Ils ont manipulé l’opinion, « Monsieur Déficit » est devenu très impopulaire. Le roi renvoie son ministre, le 10 avril.
Le jugement de Rivarol contre cette haute noblesse et ces privilégiés de l’Ancien Régime vaudra jusqu’à la fin de la Restauration (1830). « Depuis le peu de mois que les Bourbons règnent, ils vous ont convaincu qu’ils n’ont rien oublié, ni rien appris ! » Napoléon, de retour de l’île d’Elbe pour ses Cent Jours, reprend la formule de Dumouriez, parlant des courtisans qui entourent Louis XVIII, le mot étant également attribué à Talleyrand. Quoi qu’il en soit, il résume la mentalité des Bourbons et surtout de leurs partisans, les ultras, « plus royalistes que le roi ».
« Cet homme ira loin car il croit tout ce qu’il dit. »1306
MIRABEAU (1749-1791), Mémoires biographiques, littéraires et politiques de Mirabeau (posthume)
Mirabeau, dit « la torche de Provence », parle ainsi en 1789 de Robespierre, surnommé à ses débuts « la chandelle d’Arras » : bien qu’avocat, ce député du tiers état manque d’éloquence à la Constituante. Mais pour la conviction, il ne craint déjà personne et sera un jour craint de tous ses adversaires, peu à peu éliminés ! Rousseau est son philosophe de chevet : il emprunte au Contrat social ce qui sera, selon Jaurès, sa seule idée, celle de la nation souveraine. C’est déjà bien révolutionnaire.
« Il aurait payé pour qu’on lui offrît de l’or, pour pouvoir dire qu’il l’avait refusé. »1308
Pierre Louis ROEDERER (1754-1835)
Œuvres du comte P. L. Roederer : histoire contemporaine, 1789-1815 (1854)
Très joli mot et très juste ! Ce député aux États généraux de 1789 vise lui aussi Robespierre. Dans la nouvelle Assemblée, on n’apprécie pas vraiment l’Incorruptible avec ses mœurs au-dessus de tout soupçon et cette vertu érigée en système, qu’il voudra imposer à tous ses collègues et à la France, avec la passion propre aux extrémistes.
« Le roi n’a qu’un homme, c’est sa femme. »1367
MIRABEAU (1749-1791)
Marie-Antoinette, Correspondance, 1770-1793 (2005), Évelyne Lever
Ou encore, selon d’autres sources : « Le roi n’a qu’un seul homme, c’est la reine. »
Vérité connue de tous, éprouvée par Mirabeau devenu le conseiller secret de la couronne : il essaie donc de convaincre la reine avant le roi, dont la faiblesse, les hésitations, les retournements découragent les plus fervents défenseurs. Mirabeau, comme La Fayette, a tenté de sauver la couronne, le régime…
Marie-Antoinette a vite compris les limites de son époux : « Tout propos soutenu l’accable, toute réflexion le déroute. » Quant à son frère cadet, futur Louis XVIII, intelligent et plein d’humour : « Pour vous faire une idée de son caractère, imaginez des boules d’ivoire huilées que vous vous efforceriez vainement de faire tenir ensemble. » (allusion à un jeu de société et d’adresse à la mode)
« Donnez un verre de sang à ce cannibale : il a soif ! »1496
VERGNIAUD (1753-1793), à Marat vitupérant à la tribune de la Convention, 13 avril 1793
Le cannibale, le méchant de l’Histoire, cette « poche de fiel » (Hugo), c’est Marat (par ailleurs idolâtré du petit peuple de Paris). Depuis l’insurrection du 10 août 1792 et les massacres de septembre qu’il encouragea, Marat ne cesse d’attiser la haine, que ce soit dans son journal (l’Ami du Peuple) ou à l’Assemblée.
Élu député, siégeant au sommet de la Montagne, président du club des Jacobins depuis le 5 avril 1793, il devient chaque jour plus redoutable, accusant, calomniant, injuriant, éructant. Nul ne semble pouvoir l’interrompre - notons à quel point le sang, mot et symbole, est présent dans cette histoire. Charlotte Corday montera de sa province (normande) pour venir l’assassiner dans sa baignoire. Lamartine saluera en elle l’Ange de l’assassinat - aucun humour, rien que de l’admiration.
Notre série sur la Révolution en (sou)riant :
- Rivarol : « la souveraineté réside dans le peuple ; (…) le peuple ne doit jamais l’exercer. »
- Martainville : « je suis ici pour être raccourci et non pour être allongé. »
- Louis XVI : « C’est détestable ! Cela ne sera jamais joué ! »
- Thouret : « Sire… Votre Majesté a fini la Révolution. »
- Chanson : « Guillotin – Médecin – Politique, Imagine un beau matin… »
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