Robespierre : « Louis doit mourir pour que la patrie vive. » | L’Histoire en citations
Chronique du jour

 

Révolution

Convention nationale (suite)

La « belle mort » du roi déclenche un séisme national et la guerre civile dans tout l’Ouest de la France (Bretagne et Vendée, toujours royalistes et catholiques).

Après des débats passionnés, où la politique prime sur le droit, Louis XVI est guillotiné le 21 janvier 1793.

Cette exécution terrifie une partie de la France majoritairement royaliste et catholique. La Vendée se soulève. La guerre des Chouans se joue de même, en Bretagne et en Normandie. Les quelque 600 000 morts de cette guerre civile seront le plus lourd bilan porté au passif de la Révolution.

Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.

« Louis doit mourir pour que la patrie vive. »1476

ROBESPIERRE (1758-1794), « célèbre sentence ». Dictionnaire critique de la Révolution française (1992), François Furet, Mona Ozouf

Mots prononcés au début du procès, le 3 décembre. « Je n’ai pour Louis ni amour ni haine : je ne hais que ses forfaits… » Le roi était jugé d’avance. La Révolution, c’est la souveraineté du peuple et elle ne peut composer avec la souveraineté du roi. Ce n’est pas l’homme Capet qui est en cause, c’est l’extravagante condition du monarque (…)

On peut seulement s’étonner de l’hypocrite humanité de Robespierre, déclarant dans le même discours : « J’abhorre la peine de mort prodiguée par vos lois. » (…)

Au terme de la procédure, l’exécution aura lieu le 21 janvier 1793.

« Ô mon peuple,
Que vous ai-je donc fait ?
J’aimais la vertu, la justice.
Votre bonheur fut mon unique objet,
Et vous me traînez au supplice ! »1477

Complainte de Louis XVI aux Français, quand le verdict fatal est connu à la fin du procès, chanson anonyme

« Glapie dans les guinguettes par des chanteurs à gages », sur l’air d’une romance célèbre composée par la marquise de Travanet et par Marie-Antoinette, cette complainte a tant de succès qu’elle éclipse un temps La Marseillaise.

« Fils de Saint Louis, montez au ciel. »1478

Abbé EDGEWORTH de FIRMONT (1745-1807), confesseur de Louis XVI, au roi montant à l’échafaud, 21 janvier 1793

Mot rapporté par les nombreux journaux du temps. La piété de Louis XVI est notoire et en cela, il est fils de Saint Louis. C’est aussi le dernier roi de France appartenant à la dynastie des Capétiens, d’où le nom de Louis Capet sous lequel il fut accusé et jugé.

« Peuple, je meurs innocent ! »1479

LOUIS XVI (1754-1793), à la foule, place de la Révolution à Paris (aujourd’hui place de la Concorde), 21 janvier 1793.  Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand

« Premier mot de la fin » du roi (…) Le roulement de tambours de la garde nationale interrompt la suite de sa proclamation, entendue seulement par le bourreau Sanson et ses aides. Scène maintes fois reproduite (…) avec le bourreau qui brandit la tête du roi, face au peuple amassé.

« Je pardonne aux auteurs de ma mort. Je prie Dieu que mon sang ne retombe pas sur la France. »1480

LOUIS XVI (1754-1793), au bourreau Sanson et à ses aides, 21 janvier 1793. « Second mot de la fin » du roi. Histoire de France depuis les temps les plus reculés (1867), Antonin Roche

Autre mot de la fin attribué au roi, dans le même esprit : « Je souhaite que mon sang puisse cimenter le bonheur des Français. » Et encore : « Dieu veuille que ce sang ne retombe pas sur la France. » Cela relève de la « belle mort », pour alimenter la légende. Reste un fait avéré. Louis XVI eut une obsession louable et rare chez un roi : ne pas faire couler le sang des Français.

« Louis ne sut qu’aimer, pardonner et mourir !
Il aurait su régner s’il avait su punir. »1481

Comte de TILLY (1764-1816). Biographie universelle, ancienne et moderne (1826), Joseph Michaud, Louis Gabriel Michaud

Dans ce célèbre distique (deux vers), le comte de Tilly, défenseur du roi au palais des Tuileries (le 10 août 1792) et auteur de Mémoires (surtout galants), témoigne de cette horreur de la violence, dans une époque où elle fait loi.

« J’ai, au Champ de Mars, déclaré la guerre à la royauté, je l’ai abattue le 10 août, je l’ai tuée au 21 janvier, et j’ai lancé aux rois une tête de roi en signe de défi. »1482

DANTON (1759-1794), La Mort de Danton (1835), drame historique de Goerg Büchner (1813-1837)

Cette réplique lui est prêtée par le poète allemand âgé de 21 ans (mort du typhus à 23). Elle illustre le grand premier rôle révolutionnaire que se donne Danton et qu’il joue effectivement jusqu’à sa chute, même s’il est souvent absent au cœur de l’action – une des ambiguïtés du personnage, notée par certains historiens.

« Le jour où la France coupa la tête de son roi, elle commit un suicide. »1483

Ernest RENAN (1823-1892), La Réforme intellectuelle et morale de la France (1871)

Historien chrétien, il fait référence au lien charnel entre le pays et le roi, allant jusqu’à l’identification à la fin du Moyen Âge, sous Louis XI : « Je suis France » (…) Renan s’exprime au lendemain de la défaite face à l’Allemagne, quand la France amputée, désemparée, n’est pas encore acquise à la République (…) Il incrimine la Révolution (…) et cette irrémédiable rupture dans la continuité historique, dont la mort du roi fut le symbole.

« On a tué des rois bien avant le 21 janvier 1793. Mais Ravaillac, Damiens et leurs émules voulaient atteindre la personne du roi, non le principe […] Ils n’imaginaient pas que le trône pût rester toujours vide. »1484

Albert CAMUS (1913-1960), L’Homme révolté (1951)

(…) L’histoire est riche en régicides. Mais les assassins des rois ne font que renforcer le mythe de la royauté. Alors qu’un procès public, devant une Assemblée nationale devenue tribunal du peuple, devait mettre fin à la monarchie de droit divin (…) Les émigrés royalistes proclament roi, sous le nom de Louis XVII, le dauphin enfermé au Temple, le comte de Provence (frère aîné de Louis XVI, futur Louis XVIII) étant nommé régent du royaume.

« J’ons plus de roi dans la France […]
À présent tout ira bien
À Paris comme à la guerre.
Je n’craindrons plus le venin
Qui gâtait toute c’t’affaire,
J’aurons vraiment la liberté
En soutenant l’égalité ! »1485

Citoyenne Veuve FERRAND (fin du XVIIIe siècle), Joie du peuple républicain (début 1793), chanson

Chaque événement historique est ponctué de paroles et musique. Cette Joie du peuple républicain est assurément une « chanson de circonstance » : tout ira bien après la mort du roi. Au-delà de cette joie, le choc est immense.

« Vous savez l’affreuse nouvelle, ma bonne Rose. Votre cœur, comme mon cœur, en a tressailli d’indignation. Voilà donc notre pauvre France livrée aux misérables qui nous ont déjà fait tant de mal […] Tous ces hommes qui devaient nous donner la liberté l’ont assassinée. »1486

Charlotte CORDAY (1768-1793), Lettre à une amie, 28 janvier 1793. Les Grands Procès de l’histoire (1924), Me Henri-Robert

C’est le cri du cœur d’une partie de la France, épouvantée d’avoir tué son roi. Autre conséquence directe, imprévue sinon imprévisible, et la plus dramatique de toutes, la guerre de Vendée, une guerre civile qui va déchirer, endeuiller, marquer profondément le pays.

« Si j’avance, suivez-moi ; si je meurs, vengez-moi ; si je recule, tuez-moi. »1487

Henri de la ROCHEJAQUELEIN (1772-1794), aux milliers de paysans qui le proclament leur chef, 13 avril 1793 (…)

(…) C’est l’un des chefs de l’insurrection vendéenne qui commence le 10 mars 1793 (…) Le peuple, très catholique, est choqué par la politique révolutionnaire et hostile aux « patriotes » qui veulent imposer la Constitution civile du clergé, la loi du serment des prêtres (…) La mort du roi les décide à prendre les armes et à encadrer militairement leurs paysans et les métayers, révoltés (…)

« En toutes les provinces,
Vous entendrez parler
Qu’il y a un nouveau prince
Qu’on dit dans la Vendée,
Qui s’appelle Charette,
Vive son cœur !
Chantons à pleine tête
Gloire et honneur. »1488

Chanson de l’armée de Charette (1793), anonyme. Orphée phrygien : les musiques de la Révolution (1989), Jean-Rémy Julien, Jean-Claude Klein

La guerre de Vendée fait naître d’innombrables chansons. C’est la plus authentique, sinon la seule. Elle reste populaire, chez les amateurs de chants royalistes, et jusque sur YouTube. François Athanase de Charette de la Contrie, dit Monsieur de Charette, est l’un des héros de cette guerre qui va déchirer un peu plus encore la France révolutionnaire (…)

« Pays, Patrie, ces deux mots résument toute la guerre de Vendée, querelle de l’idée locale contre l’idée universelle, paysans contre patriotes. »1489

Victor HUGO (1802-1885), Quatre-vingt-treize (1874)

Roman situé en 1793, année charnière, il met en scène un prêtre révolutionnaire, un aristocrate royaliste et son petit-neveu rallié à la Révolution (…) Les insurgés vendéens (les Blancs) vont réunir jusqu’à 40 000 hommes et remporter plusieurs victoires contre les patriotes (les Bleus) au printemps 1793. La Convention envoie des troupes républicaines (…) La guerre de Vendée et la guerre des Chouans (mêmes causes, mêmes effets, en Bretagne et Normandie) feront quelque 600 000 morts, dont 210 000 civils exécutés, 300 000 morts de faim et de froid (100 000 enfants). Ce « génocide » (pour certains historiens) est le plus lourd bilan au passif de la Révolution.

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