L’humour, 12e épisode : Siècle de Louis XIV, fin.
Fin de règne sinistre : misère du peuple, catastrophes climatiques, deuils en série à la cour, défaites à la guerre, affaires religieuses tournant mal, « règne » de Mme de Maintenon sur le roi vieillissant, mais… On a les chansons, de plus en plus cruelles, le théâtre de plus en plus cynique et l’esprit des libertins qui annonce le siècle des Lumières.
« Les jansénistes, voulant faire des saints de tous les hommes, n’en trouvent pas dix, dans un royaume, pour faire des chrétiens tels qu’ils les veulent. »938
(1614-1703), Conversation de M. d’Aubigny avec M. de Saint-Évremond (1662)
Œuvres mêlées de Saint-Évremond (1706).
Parole de libertin, moraliste et critique, réfugié à Londres où il vit bien entouré, heureux et mourra vieux. On croirait lire Voltaire… Plaisanterie mise à part, le jansénisme est l’une de ces affaires religieuses qui empoisonnent le siècle de Louis XIV. Les derniers actes tournent au drame en cette fin de règne : ultime expulsion des sœurs de Port-Royal (1709), abbaye rasée (1711), condamnation par Clément XI, le 243e pape, qui divise le clergé français. La suite et fin se jouera au siècle des Lumières.
Toutes les citations ci-dessous sont commentées dans nos Chroniques en 10 volumes, qui racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.
« La Chamilly est si touchée / Des grands plaisirs du Paradis,
Qu’après sa prière achevée, / Elle a dit à son favori :
Pour mon corps, je vous l’abandonne, / Mon âme étant mon seul souci,
Et lorsque à Dieu son âme on donne, / On peut donner le reste à son ami. »919Sur une dame quiétiste (1698), chanson
Tout est bon à chansonner, y compris la religion et ses dérives. Le quiétisme, doctrine mystique du « pur amour », prône une contemplation passive au détriment de la pratique religieuse : l’âme imprégnée de Dieu, en état de « quiétude » et d’oraison, ne saurait pécher, même si le corps semble enfreindre les commandements.
« Quelle grâce […] de faire par pure vertu ce que tant d’autres femmes font sans mérite et par passion ! »928
GODET des MARAIS, confesseur de Mme de Maintenon, à sa pénitente, 1704
Épouse morganatique du roi, elle se plaint de ce qu’il « lui donne le bonsoir » deux fois par nuit : elle a 70 ans et lui 66. Le séducteur n’a plus de maîtresses, mais garde un grand appétit de vie.
« Louis, avec sa charmante, / Enfermé dans Trianon,
Sur la misère présente, / Se lamente sur ce ton :
Et allons, ma tourlourette / Et allons, ma tourlouron. »934Louis avec sa charmante, chanson
La crise économique et sociale ronge le pays. Même à la cour, les marchands exigent d’être payés comptant, pour livrer au roi le linge à son usage personnel ! Très éprouvé, Louis XIV trouve un réconfort moral auprès de Mme de Maintenon, mais il sait la gravité de la situation.
« C’est l’usurier le plus juif : il vend son argent au poids de l’or. »839
LESAGE, Turcaret ou le Financier (1709)
Auteur sans fortune, obligé de vivre de sa plume, il dénonce le règne de l’argent, dans ses comédies de mœurs trop impitoyablement réalistes pour n’être que comiques. Et l’antisémitisme fait rire, ce n’est même pas un problème.
« Le plus grand nombre [des courtisans], c’est-à-dire les sots, tiraient des soupirs de leurs talons, et, avec des yeux égarés et secs, louaient Monseigneur […] et plaignaient le roi de la perte d’un si bon fils. Les plus fins d’entre eux, ou les plus considérables, s’inquiétaient déjà de la santé du roi. »939
SAINT-SIMON, 1711
Le Grand Dauphin, Louis de France, vient de mourir à 50 ans Le mémorialiste nous laisse un portrait sans pitié d’une fin de règne difficile, y compris au plan personnel. Le roi « vit périr sous ses yeux son fils unique, une princesse qui seule fit toute sa joie, ses deux petits-fils, deux de ses arrière-petits-fils ».
« Enfin, Louis le Grand est mort ! / La Parque a terminé son sort.
O reguingué, o lon la la, / Elle vient de trancher sa vie,
Toute l’Europe en est ravie. »948La Mort de Louis XIV, 1715, chanson
Il aura fort inquiété l’Europe par ses ambitions territoriales et commerciales, ses guerres de conquête et sa politique des « réunions ». La rue qui chante à sa mort ne s’embarrasse pas de subtilités rhétoriques comme l’évêque chargé de son oraison funèbre : « Dieu seul est grand, mes frères… »
Tous les commentaires de ces citations se trouvent dans la série des 10 Chroniques :
Les Chroniques, en 10 volumes, racontent l’histoire de France de la Gaule à nos jours, en 3 500 citations numérotées, sourcées, replacées dans leur contexte, et signées par près de 1 200 auteurs.
L’Histoire apparaît comme un scénario de film à grand spectacle, alternant avec une pièce de théâtre intime, toujours entre comédie et tragédie.
Elle s’incarne à travers toutes sortes de personnages. Les noms célèbres côtoient des inconnus, et le peuple, anonyme, occupe constamment la scène, prenant le premier rôle, de Révolution en Commune.
Toute époque tragique abonde en mots épiques et mots de la fin, mais l’esprit à la française résiste, même aux pires moments de la Terreur, des massacres ou des guerres.
Au fil des citations, l’action avance et rebondit, cependant que toutes les opinions et les passions s’expriment. Au final, il s’en dégage une réalité, voire une vérité historique, humaine et multiforme.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.