Les intellectuels et les politiques de gauche voient venir le grand soir, mais pas Dany le rouge : Cohn-Bendit, l’enragé de Nanterre a fui. Le voilà promu héros en tant que Juif allemand. La manifestation du 25 mai dégénère dans la nuit à Paris, dans un climat de guerre civile. L’opinion publique prend peur.
« Ce qui me semble le plus important, c’est qu’actuellement les fils de la bourgeoisie s’unissent aux ouvriers dans un esprit révolutionnaire. »3059
(1905-1980), Sorbonne, 20 mai 1968
Le Piéton de mai (1968), Jean Claude Kerbourc’h.
Prestigieux invités à l’affiche de ce jour : Pierre Bourdieu (sociologue), Marguerite Duras (romancière), Max-Pol Fouchet (auteur tout terrain, surtout connu comme homme de radio et de télévision). Sartre la vedette bouscule et charme son public, tellement à l’aise dans ce grand spectacle populaire.
À l’Assemblée nationale, le 22 mai : « Après les événements que nous venons de vivre, nous sommes entrés dans la période du post-gaullisme et ce, dans de mauvaises conditions. » Defferre, député-maire de Marseille, grand résistant, mais opposant socialiste à de Gaulle.
« Je vivais au jour le jour […] Je n’avais aucune idée de l’issue. Je ne savais pas où était la limite, s’il y avait une limite. Je me sentais isolé, coupé. J’étais déraciné politiquement, incapable de mener le débat avec les militants gauchistes qui avaient, eux, leurs certitudes. Je suis parti parce que j’étais dépassé. C’était une fuite. »3062
Daniel COHN-BENDIT (né en 1945), témoignage de 1986
Génération, tome I, Les Années de rêve (1987), Hervé Hamon, Patrick Rotman
Cohn-Bendit a fui, le 20 mai 1968 : Saint-Nazaire chez son frère, Berlin dans son pays, Amsterdam où on l’appelle. Au cours d’un meeting fou, il déclare : « Le drapeau tricolore est fait pour être déchiré, pour en faire un drapeau rouge. » Pour insulte au drapeau national à l’étranger, il est interdit de séjour en France, le 22 mai.
Nous sommes tous des juifs allemands.3063
Slogan, 23 mai 1968
En réponse à l’interdiction de séjour de Cohn-Bendit. Et « ça repart ». Le 23, jeudi de l’Ascension, manifs et bagarres, notamment au Quartier latin.
La Ve au clou, la Ve c’est nous !
Ouvriers, paysans, étudiants, tous unis.3065Slogans lors de la manifestation du 24 mai 1968
Le 24 mai, la manifestation prévue prend un tour imprévu. Malgré l’hostilité de la CGT, des ouvriers se sont joints aux étudiants et scandent en chœur : Trahison – ni Mitterrand, ni de Gaulle – les usines aux travailleurs. Et en faveur de Cohn-Bendit interdit de séjour : Les frontières, on s’en fout, répétant le slogan : Nous sommes tous des juifs allemands.
25 mai. Paris vit une nuit d’émeutes : des mouvements extrémistes et anarchistes sont rejoints par les bandes de « loubards » de la banlieue. Chaque groupe, lancé à travers la capitale, improvise sa manif et se demande quel symbole de la société il faut d’abord détruire. La Bourse brûle. La police est tenue en échec au Quartier latin jusqu’à 5 heures. Dans la matinée du 25 mai, le Premier ministre Pompidou évoque « une tentative évidente de déclencher la guerre civile. »
« L’opinion avait cessé de rire, d’applaudir le désordre ; elle commençait à avoir peur. »3068
Édouard BALLADUR (né en 1929), L’Arbre de mai (1979)
On peut dater cette peur du 25 mai. Après la nuit d’émeute en divers quartiers de Paris, le préfet de police Maurice Grimaud fait cette analyse (dans son livre témoignage, En mai, fais ce qu’il te plaît) : « Du côté des manifestants, ce ne sont plus les étudiants exaltés du 10 mai qui voulaient « mourir sur les barricades » et libérer la Sorbonne de l’occupation policière, mais de petites troupes de guérilleros, très mobiles, très décidées, rompues au harcèlement des forces de l’ordre, à l’édification rapide d’obstacles, de barricades. On a l’impression que tout est en place pour des émeutes insurrectionnelles, si seulement l’occasion surgit qui permette d’entraîner la masse étudiante et, on l’espère toujours, les ouvriers. »
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