Restauration
Réaction et opposition s’enchaînent en bonne logique politique et le pays devient chaque jour plus ingouvernable.
Villèle, chef du gouvernement, mène une politique réactionnaire, notamment en matière de presse - sujet hypersensible, d’autant plus que tous nos écrivains sont plus ou moins politisés. Chateaubriand est même passé du camp des ultras au pouvoir à l’opposition libérale, au sein de la Chambre des pairs. L’impopularité de Charles X dépasse celle du feu roi et de l’humour chansonnier. L’opposition apprend à manifester - les prochains régimes (Monarchie de Juillet et Second Empire) en « profiteront » et notre pays garde cette tradition protestataire, plus ou moins violente aujourd’hui encore.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« La Cour rend des arrêts, et non pas des services. »2001
Antoine SÉGUIER (1768-1848), réponse au garde des Sceaux Peyronnet lui demandant d’arranger les choses, dans un procès contre la presse, janvier 1826
Premier président de la Cour de Paris de 1811 à 1848, il donne une fin de non-recevoir à cette requête (…) La Compagnie de Jésus (les Jésuites) était en cause, et le roi avait fait pression en leur faveur, en vain. La presse libérale est trop heureuse de répéter le mot qui a fière allure (…)
« Autant proposer une loi en un seul article, qui dirait : L’imprimerie est supprimée en France au profit de la Belgique. »2002
Casimir PÉRIER (1777-1832), à propos du projet de loi sur la police de la presse, Chambre des députés, 29 décembre 1826 (…)
Le député raille amèrement le projet du ministère Villèle et quitte son banc. Peyronnet, garde des Sceaux l’a présenté comme une « loi de justice et d’amour » (Le Moniteur). Chateaubriand dénonce cette « loi vandale ». Ainsi, les journaux doivent être déposés cinq à dix jours avant leur diffusion ! L’édition n’est guère mieux traitée, l’Académie française proteste, les libéraux se déchaînent (…) mais la loi est votée le 12 mars 1827 à la Chambre des députés (…)
« J’ai aidé à conquérir celle de nos libertés qui les vaut toutes, la liberté de la presse. »2003
François René de CHATEAUBRIAND (1768-1848), Mémoires d’outre-tombe (posthume)
Monarchiste modéré, il mène campagne pour les libertés publiques dans Le Journal des débats et à la Chambre, contre le ministère Villèle qui multiplie les lois réactionnaires. Les pairs modifient tant et si bien la loi sur la presse que Villèle retire son projet, le 17 avril 1827. Et Paris illumine.
« Des pairs, j’en ferai tant qu’il sera honteux de l’être et honteux de ne l’être pas ! »2004
Comte de VILLÈLE (1773-1854), furieux de l’opposition manifestée par la Chambre des pairs, fin avril 1827
Le chef du gouvernement a renoncé à sa loi sur la presse. Même échec avec le rétablissement du droit d’aînesse dans les familles payant plus de 300 francs d’impôts fonciers. La Chambre introuvable l’a votée, la Chambre des pairs la rejette (…) Contesté à gauche et même au centre, il va être débordé sur sa droite par un groupe de nobles (la Défection) qui trouve cet ultra encore trop modéré. C’est dire si cette France devient ingouvernable.
« Je suis venu ici pour recevoir des hommages, non des leçons ! »2005
CHARLES X (1757-1836), passant en revue la garde nationale, 25 avril 1827. Mémoires d’outre-tombe (posthume), François René de Chateaubriand
Certes ovationné, le roi perçoit aussi quelques huées : « Vive la Charte ! À bas les ministres ! À bas les Jésuites ! » D’où sa réplique royale et indignée (…) L’impopularité du roi grandit dans le pays. Étudiants et petits-bourgeois manifestent dans les rues, les obsèques des chefs de l’opposition libérale étant de bonnes occasions. Ce rituel d’opposition né sous la Restauration sera repris par les républicains, contre la Monarchie de Juillet, puis contre le Second Empire.
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