L’armée sous Louis XV - mauvaise époque. On manque de bons chefs militaires : la petite noblesse n’atteint pas les hauts commandements que se réserve la noblesse de cour, corrompue par la vie à Versailles. Le gouvernement se révèle incapables de gérer la situation, l’armée coûte de plus en plus cher au pays et la fiscalité s’alourdit.
Mais la guerre ne se joue pas sur le sol de France et ne menace pas tragiquement ses frontières, comme au siècle dernier ou au siècle suivant. On en parle donc plus légèrement.
« Soubise dit, la lanterne à la main, J’ai beau chercher ! où diable est mon armée ? Elle était là pourtant hier matin. Me l’a-t-on prise, ou l’aurais-je égarée ? Ah ! je perds tout, je suis un étourdi ! Mais attendons au grand jour, à midi. Que vois-je ! Ô ciel ! que mon âme est ravie ! Prodige heureux ! La voilà, la voilà ! Ah ! ventrebleu, qu’est-ce donc que cela ? Ma foi, c’est l’armée ennemie. »1148
Épigramme au lendemain de la défaite de Rossbach, 5 novembre 1757
Histoire de France pendant le XVIIIe siècle (1830), Charles de Lacretelle.
Paris célèbre les défaites avec un humour qui n’appartient vraiment qu’à ce temps ! On ridiculise le prince de Soubise, protégé de la Pompadour et favori du roi. C’est le moins talentueux des amis de la marquise et c’est un triste épisode de la guerre de Sept Ans (1756-1763) : après les premières victoires viennent de nombreux revers, sur terre comme sur mer.
« Ni chiens, ni filles, ni laquais, ni soldats. » C’est dire si l’armée française est discréditée, comme jamais avant (sous Louis XIII et Louis XIV) ni après (Révolution, Empire). Le recrutement est organisé de telle manière qu’on enrôle les plus pauvres, avec tous les « déchets de la société », maraudeurs et vauriens, misérables et autres laissés pour compte. La notion de patrie est dévaluée, la philosophie antimilitariste et l’opinion souvent défaitiste.
Cependant que la politique est jugée par le peuple qui en fait un proverbe, après le traité d’Aix la Chapelle (fin guerre de Succession d’Autriche) : « Bête comme la paix. »
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« C’est le ton de la nation ; si les Français perdent une bataille, une épigramme les console ; si un nouvel impôt les charge, un vaudeville les dédommage. »1149
GOLDONI
Cet Italien de Paris connaît bien notre pays, notre littérature et la légèreté des Français.
« Il a travaillé, il a travaillé, pour le roi de Prusse. »1150
Refrain, devenu proverbe toujours en cours et signifiant travailler pour rien.
Frédéric II, roi de Prusse, a infligé une défaite honteuse à l’armée franco-autrichienne trois fois plus nombreuse, en 1757.
« Après nous, le déluge. »1151
Marquise de pompadour à Louis XV, fin 1757. Devenu proverbe
La marquise tente de réconforter le roi, fort affecté par la défaite de son favori et de son armée à Rossbach.
« Pour nous autres Français, nous sommes écrasés sur terre, anéantis sur mer, sans vaisselle, sans espérance ; mais nous dansons fort joliment. »1157
La guerre ne se joue pas sur le sol de France et ne menace pas ses frontières, mais elle coûte de plus en plus cher au pays.
« J’ai appris que nous avons perdu Montréal et par conséquent tout le Canada. Si vous comptez sur nous pour les fourrures de cet hiver, je vous avertis que c’est en Angleterre qu’il faut vous adresser. »1158
CHOISEUL, Lettre à Voltaire du 12 octobre 1760
Le ministre ironise en disciple et ami des philosophes, mais ce grand diplomate déplore la perte des « arpents de neige » du Canada.
« L’état-major est immense, mais je ne le vois jamais que dormir, jouer et manger ; s’ils montent à cheval, c’est pour éviter les coups et être plus prêts à faire retraite. »1170
MOPINOT, soldat sous la Guerre de Sept Ans
Témoignage sans appel sur la noblesse. Les chefs ne sont plus respectés, ni respectables, à la fin de l’Ancien Régime.
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.