Second Empire
Liberté, égalité, valeurs à géométrie variable. Guerre et paix d’abord gagnantes.
Un historien tel Tocqueville ne parle pas comme un préfet docile, pas plus que Baudelaire ne pense comme Hugo. Cependant que Napoléon III s’engage personnellement dans une guerre contre l’Autriche - la France va y gagner Nice et la Savoie, suite à deux plébiscites populaires.
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« [Les Français] veulent l’égalité dans la liberté et, s’ils ne peuvent l’obtenir, ils la veulent encore dans l’esclavage. »2270
Alexis de TOCQUEVILLE (1805-1859), L’Ancien Régime et la Révolution (1856)
(…) Pour maintenir la liberté, il faut deux garanties essentielles : liberté de la presse, indépendance du pouvoir judiciaire (…) Rappelons qu’à cette date (1856), l’Empire est une dictature (…) et si l’égalité des droits est en progrès, dans les faits, le capitalisme triomphant rend les riches plus riches, sans améliorer la condition des pauvres.
« Le gouvernement veut le triomphe de ses candidats, comme Dieu veut le triomphe du bien, laissant à chacun la liberté du mal. »2271
Le préfet de Dordogne en juin 1857. Histoire du Second Empire, volume III (1903), Pierre de La Gorce
Le dogme est clair. Comme tous les préfets qui sont de petits empereurs dans leur département, il arrange au mieux ces élections du 21 juin 1857 au Corps législatif, comme toutes les autres élections, presque jusqu’à la fin du Second Empire (…) Il ne faut pas s’étonner des résultats de cette propagande : en juin 1857, 5 471 000 voix pour les candidats officiels, 665 000 pour l’opposition (…)
« Il y a aussi plusieurs sortes de Liberté. Il y a la Liberté pour le Génie, et il y a une liberté très restreinte pour les polissons. »2272
Charles BAUDELAIRE (1821-1867), Notes et Documents pour mon avocat (1857)
25 juin 1857, Les Fleurs du mal sont publiées. Elles font scandale : immorales, triviales, géniales. Baudelaire paraît devant le tribunal correctionnel (…) Il est condamné à trois mois de prison pour outrage aux mœurs. Il se soumet : dans la seconde édition de 1861, les six poèmes incriminés auront disparu. La même année, l’immoralité de Madame Bovary mène Flaubert en justice. Mais son avocat obtient l’acquittement (…)
« Le corps social est rongé par une vermine dont il faut coûte que coûte se débarrasser. »2273
Général ESPINASSE (1815-1859), après l’attentat d’Orsini contre Napoléon III, le 14 janvier 1858
Programme du nouveau ministre de l’Intérieur. C’est le premier attentat par explosif chimique, l’émotion est d’autant plus vive : le révolutionnaire italien a raté son but, mais il y a 142 blessés, 8 morts (…) On feint de croire à l’existence d’un vaste complot contre l’État, ourdi naturellement par les rouges. La répression contre l’opposition se fait plus sévère (…)
Napoléon III va se servir de la lettre écrite par Orsini lui demandant de libérer sa patrie, l’Italie.
« La paix c’est l’Empire ! Pas de paix, pas d’Empire ! »2274
Baron de ROTHSCHILD (1792-1868). Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac
Le banquier est inquiet, des bruits de guerre avec l’Autriche font baisser la Bourse, le 1er janvier 1859. Le futur empereur n’a-t-il pas promis dans un discours à Bordeaux : « L’Empire, c’est la paix. » ? Napoléon III réplique à présent : « J’ai pour moi le peuple. » Et c’est vrai. Il a donc décidé d’aider l’Italie à secouer la domination autrichienne (…)
« La masse est pour la guerre. Les soldats partent comme pour le bal. »2275
Prosper MÉRIMÉE (1803-1870). Histoire de France contemporaine depuis la Révolution jusqu’à la paix de 1919 (1921), Ernest Lavisse, Philippe Sagnac
La guerre contre l’Autriche est déclarée le 3 mai 1859. Napoléon III prend personnellement le commandement et défait les Autrichiens à Magenta le 4 juin (Mac-Mahon arrivant au bon moment), et à Solferino, le 24 juin. Le 11 juillet, l’armistice de Villafranca est signé. Par la paix de Zurich signée en novembre, l’Autriche cède la Lombardie, l’Italie devient une confédération (la véritable unité n’est pas encore possible, à cause de la Prusse) et la France recevra Nice et la Savoie – si les populations en sont d’accord.
« L’empereur Napoléon s’est cru obligé de conquérir les nationalités pour les affranchir ; si jamais son successeur avait à les défendre, ce serait pour les affranchir sans les conquérir. »2276
Arthur de LA GUÉRONNIÈRE (1816-1875), L’Empereur Napoléon III et l’Italie (1859)
Ce texte fait allusion à la politique de conquête du premier empereur, alors que Napoléon III a su comprendre l’évolution du principe des nationalités, une des bases de sa politique étrangère (…)
« Quand la liberté rentrera en France, je rentrerai. »2277
Victor HUGO (1802-1885), Déclaration, Hauteville-House, Guernesey, 18 août 1859
(…) Plus opposant et républicain que jamais, il refuse de profiter du décret d’amnistie générale pour les condamnés politiques, au terme d’une forte et brève déclaration (…) Mais pour l’heure, Napoléon III reste un « aventurier heureux » à qui tout réussit : la diplomatie et la guerre, l’économie et la politique.
« Les choses ne vont pas tout droit dans mon gouvernement. Comment en serait-il autrement ? L’impératrice est légitimiste, Morny est orléaniste, je suis républicain. Il n’y a qu’un bonapartiste, c’est Persigny, et il est fou. »2278
NAPOLÉON III (1808-1873). Le Duc de Morny : « empereur » des Français sous Napoléon III (1951), Robert Christophe
(…) L’empereur est mal entouré. Les bonapartistes ont chacun leurs idées (…) L’impératrice, conservatrice et catholique, se mêle de politique, pour préserver les intérêts de son fils. L’empereur qui se dit républicain a un bonapartisme complexe sinon contradictoire (…) Et le prince Napoléon, au bonapartisme jacobin et anticlérical, manœuvre à gauche et a des prétentions dynastiques.
« Je n’aime pas le traité parce que je n’aime les révolutions d’aucune sorte. »2279
Eugène SCHNEIDER (1805-1875). Histoire de la France : les temps nouveaux, de 1852 à nos jours (1971), Georges Duby
Ce grand patron métallurgiste du Creusot redoute les conséquences du traité de commerce en date du 23 janvier 1860 (…) qui instaure un libre-échange relatif avec l’Angleterre (abaissement à 30 % maximum des droits de douane sur les matières premières et les produits industriels). Les protectionnistes, nombreux parmi nos industriels et commerçants, s’alarment de ce « coup d’État commercial ». Ils prévoient le pire pour l’économie nationale. Ils ont tort.
« Nos cœurs ont suivi le cours de nos rivières. »2280
Parole des Savoyards, devenu proverbe, printemps 1860
Selon les sources, la forme varie : « Nos cœurs vont là où vont nos rivières », « Notre cœur va du côté où coulent nos rivières », etc. Pour dire que les Savoyards votent leur rattachement à la France, par plébiscite des 22 et 23 avril 1860, avec 250 000 oui, contre seulement 230 non ! (…) Les Niçois feront le même choix, le 15 avril 1860. Ces conquêtes pacifiques sont à porter au crédit du Second Empire.
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