Guillotin et la guillotine : un duo historique, mais à revoir et corriger. Une petite histoire au cœur de la grande Histoire, qui survit à la Révolution et ne s’achève que sous la Ve République, avec l’abolition de la peine de mort en France (1981).
« Tout condamné à mort aura la tête tranchée. »1402
Loi du 6 octobre 1791
Archives parlementaires de 1787 à 1860 (1862), Assemblée nationale.
L’une des premières mesures votées par les 745 députés de la deuxième assemblée révolutionnaire, la Législative. Le député Guillotin, dès le 1er octobre 1789, demandait à la Constituante l’abolition des peines infamantes et proposait, le 20 janvier 1790, que la peine capitale soit la décapitation égalitaire pour tous, par le moyen d’un mécanisme simple qu’on met à l’étude. Motion ajournée, puis reprise.
La loi de 1791 marque un progrès de la justice. Sous l’Ancien Régime, le noble était décapité, le voleur de grand chemin roué de coups en place publique, le régicide et le criminel d’État écartelés, le faux-monnayeur bouilli vif dans un chaudron, l’hérétique brûlé sur un bûcher, le domestique voleur de son maître pendu. La Révolution créée l’unification des peines, qui est une forme d’égalité jusque dans la mort. La guillotine pourra bientôt fonctionner.
« La machine immortelle : la mécanique tombe comme la foudre, la tête vole, le sang jaillit, l’homme n’est plus. »1403
Joseph Ignace GUILLOTIN (1738-1814)
Le Cabinet secret de l’histoire (1908), Augustin Cabanès
Médecin philanthrope, professeur d’anatomie et député sous la Constituante, il décrit ainsi la machine dont il a demandé la création, pour l’exécution des condamnés à mort. En réalité, contrairement à ce que l’on croit souvent, l’instrument existait déjà au XVIe siècle, comme en témoigne une gravure de Cranach (peintre et dessinateur allemand).
« Guillotin – Médecin – Politique, / Imagine un beau matin / Que pendre est inhumain / Et peu patriotique.
Aussitôt – Il lui faut – Un supplice / Qui, sans corde ni poteau, / Supprime du bourreau / L’office. »1413La Guillotine, chanson
Les Actes des Apôtres (1789-1791), Un journal royaliste en 1789 (1873), Marcellin Pellet
Dansés sur un air de menuet, ces vers prouvent que tout fut bon à chansonner. Mais c’est contre l’avis de Guillotin qu’on baptisa guillotine ces « bois de justice ».
Premier condamné à mort guillotiné, un voleur de grand chemin, Nicolas Pelletier, exécuté en place de Grève à Paris (aujourd’hui place de l’Hôtel-de-Ville), le 25 avril 1792.
« Le supplice que j’ai inventé est si doux qu’il n’y a vraiment que l’idée de la mort qui puisse le rendre désagréable. Aussi, si l’on ne s’attendait pas à mourir, on croirait n’avoir senti sur le cou qu’une légère et agréable fraîcheur. »1510
Joseph Ignace GUILLOTIN (1738-1814)
Base de données des députés français depuis 1789 [en ligne], Assemblée nationale
Même s’il ne l’a pas inventée, même s’il refusait de la signer de son nom, Guillotin parlait en poète de la mécanique qu’en médecin et philanthrope il a fait adopter. Un décret du 13 juin 1793 installe dans chaque département un « appareil de justice ». Mais depuis le début de cette année, la guillotine est déjà très active à Paris.
« Y a-t-il guillotine aujourd’hui ? — Oui, lui répliqua un franc patriote, car il y a toujours trahison. »1572
Reflet de l’état d’esprit du sans-culotte et du terrorisme légal
La guillotine est un spectacle, les tricoteuses s’installent au pied des bois de justice, les patriotes voient les ennemis du peuple bel et bien punis et Robespierre multiplie les discours à la Convention, justifiant inlassablement la Terreur.
« Fouquier-Tinville avait promis / De guillotiner tout Paris, / Mais il en a menti, / Car il est raccourci […]
Vive la guillotine / Pour ces bourreaux / Vils fléaux. »1617La Carmagnole de Fouquier-Tinville, mai 1795, chanson
La célèbre chanson révolutionnaire se fait gaiement cruelle, à la fin de la Révolution : le plus célèbre accusateur public est exécuté le 6 mai 1795, après 41 jours de procès devant le Tribunal révolutionnaire (réformé). À travers Fouquier-Tinville et 23 coaccusés, on juge aussi cette justice d’exception. Mais la guillotine a encore un bel avenir.
« Alors tendant ses longs bras roux / Bichonnée, ayant fait peau neuve,
Elle attend son nouvel époux, / La Veuve. »2513Jules JOUY (1855-1887), La Veuve (1887) - nom de la guillotine, en argot, chanson
Les Chansons de l’année (1888), Jules Jouy
L’auteur finira dans un asile, en camisole de force, hanté par le spectacle (public) des exécutions capitales. Damia crée la chanson (mise en musique par Pierre Larrieu) en 1928 : « Voici venir son prétendu / Sous le porche de la Roquette / Appelant le mâle attendu / La Veuve, à lui, s’offre coquette. / Pendant que la foule autour d’eux / Regarde, frissonnante et pâle / Dans un accouplement hideux / L’homme crache son dernier râle. »
Un décret de 1871 supprima les exécuteurs de province. Il ne reste plus qu’un « national ». Après la dynastie des Sanson (six générations) vint celle des Deibler. Louis Deibler cesse d’exercer à 79 ans et meurt en 1904. Il exécuta plus de 1 000 condamnés en une trentaine d’années. L’exécution cesse d’être publique en 1939. La peine de mort sera abolie en 1981.
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