Siècle des Lumières.
Prologue (suite).
Les commentaires sont allégés, les coupes signalées (…) Retrouvez l’intégralité dans nos Chroniques de l’Histoire en citations.
« Un grand seigneur est un homme qui voit le roi, qui parle aux ministres, qui a des ancêtres, des dettes et des pensions. »957
(1689-1755), Lettres persanes (1721)
Les Grands, dès la Régence, veulent prendre leur revanche sur le siècle de Louis XIV, ce « règne de vile bourgeoisie » qui les tint écartés des postes de pouvoir.
« Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ! Noblesse, fortune, un rang, des places ; tout cela rend si fier ! Qu’avez-vous fait pour tant de biens ! Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ! »958
BEAUMARCHAIS (1732-1799), Le Mariage de Figaro (1784)
L’apostrophe, signée Pierre Augustin Caron de Beaumarchais, apparaît déjà révolutionnaire avant la Révolution, et l’œuvre longtemps censurée connaîtra un immense succès, pour ses vertus polémiques autant que dramatiques.
« M. de Brissac, ivre de gentilhommerie, désignait souvent Dieu par cette phrase : “le Gentilhomme d’en haut”. »959
CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)
La noblesse voit ses fondements contestés par les philosophes et ses privilèges menacés par les réformes. Elle n’en demeure pas moins la condition indispensable pour accéder aux échelons supérieurs de la société : parlements, bénéfices ecclésiastiques, grades dans l’armée et la marine, monde très fermé de la cour.
« Qu’est-ce qu’un cardinal ? C’est un prêtre habillé de rouge qui a cent mille écus du roi, pour se moquer de lui au nom du pape. »960
CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)
En fait, le clergé reste l’un des fondements de l’Ancien Régime, et sans doute le plus profondément loyaliste. Mais la religion est contestée dans son ensemble, ébranlée par la philosophie nouvelle et souvent déconsidérée par diverses pratiques et querelles (…)
« En France est marquis qui veut ; et quiconque arrive à Paris du fond d’une province avec de l’argent à dépenser, et un nom en ac ou en ille, peut dire : « Un homme comme moi, un homme de ma qualité », et mépriser souverainement un négociant. »961
VOLTAIRE (1694-1778), Lettres philosophiques, Sur le commerce (1734)
La noblesse reste ce cercle magique où l’on tente d’accéder, et qui fascine encore la bourgeoisie. Voltaire le déplore : « Le négociant entend lui-même parler si souvent avec mépris de sa profession, qu’il est assez sot pour en rougir », alors que ce « tiers état » est bien plus utile à l’État.
« Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leur fille un fumier pour les terres des gens de qualité. »962
CHAMFORT (1740-1794), Pensées, maximes et anecdotes (posthume, 1803)
Alliances d’intérêts ou mésalliances contre nature, selon le point de vue, cette pratique est courante depuis la fin du siècle de Louis XIV : la bourgeoisie est avide de gentilhommerie et la noblesse à court d’argent.
« Je vois tant d’illustres fainéants se déshonorer sur les lauriers de leurs ancêtres, que je fais un peu plus de cas du bourgeois ou du roturier ignoré qui ne se gonfle point du mérite d’autrui. »963
DIDEROT (1713-1784), Pages contre un tyran (posthume)
La bourgeoisie du temps est réputée laborieuse, économe et sévère autant que la noblesse est gaspilleuse, jouisseuse et corrompue. Cette nouvelle classe qui s’enrichit se montre aussi avide de confort matériel que de « Lumières » philosophiques (…) Diderot la donne en exemple, Chardin la peint, Marivaux la met en scène.
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