XXe siècle. Que de méfiance vis-à-vis de l’Histoire ! Passé trop pesant, pessimisme contemporain, regard critique, chacun a ses raisons et l’exprime à sa manière. C’est une des lois de cette Histoire en citations.
« Ne nous laissons pas accabler par les rhumatismes de l’histoire. »3093
(1926-2020), vœux télévisés du 31 décembre 1976
De tous les présidents de la Ve République, le seul à avoir explicitement considéré le passé comme un poids dont il faut se libérer. Pour preuve, en 1975, il supprime la commémoration du 8 mai 1945 (rétablie par son successeur, Mitterrand, dès 1981). VGE, président le plus jeune (élu à 48 ans), se veut moderne et sensible au désir de changement dans le pays. Selon lui, une nation ne peut se tourner vers l’avenir si elle ressasse constamment son histoire : « Conduisons-nous comme un peuple jeune et fier, ne nous laissons pas accabler par les rhumatismes de l’histoire. »
« Le drame de Giscard est qu’il ne sait pas que l’histoire est tragique. » Raymond Aron. Conception trop sereine du monde ? Illusion de pouvoir toujours tout arranger ? Ou trait de caractère positif, tranchant sur une opinion globalement pessimiste ? « Il n’y aurait pas tant de malaise, s’il n’y avait pas autant d’amateurs de malaise » (Libération, 1990).
Les autres présidents assignent à l’histoire une fonction pédagogique, voire thérapeutique, depuis de Gaulle évoquant la grandeur passée alors que le pays doit faire le deuil de son empire colonial, jusqu’à Sarkozy, pour qui l’évocation des heures glorieuses doit conjurer le spectre du « déclinisme ». Hollande s’adapte, selon les commémorations et l’actualité politique.
« L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines. »2660
Paul VALÉRY (1871-1945), Discours de l’histoire (1932)
Une de nos plus longues citations, mais la réflexion de cet intellectuel pèse bien trois tweets ! Elle nous dispense de commenter, mais nous invite à réfléchir.
Cette leçon d’histoire est paradoxalement signée d’un intellectuel qui refuse à l’histoire le nom de vraie science et lui dénie toute vertu d’enseignement, car « elle contient tout, et donne des exemples de tout ». Donc, se méfier des prétendues leçons du passé, d’autant que « nous entrons dans l’avenir à reculons ».
« L’histoire est écrite par les vainqueurs. »2826
Robert BRASILLACH (1909-1945), Les Frères ennemis (dialogue écrit à Fresnes fin 1944)
Tweetissime et discutable. Mais Brasillach est un cas (malheureusement) exemplaire.
En réalité, l’histoire est écrite par les vivants plus que par les vainqueurs, et Brasillach ne sera pas fusillé à la Libération pour cause de défaite, mais de trahison.
L’histoire de la Seconde Guerre mondiale, cette page d’histoire de France encore si sensible et même brûlante, fut d’ailleurs réécrite tant de fois que les vaincus ont eu, légitimement, le droit de témoigner aux côtés des vainqueurs.
« Le présent enveloppe le passé et dans le passé toute l’Histoire a été faite par des mâles. »2854
Simone de BEAUVOIR (1908-1986), Le Deuxième Sexe (1949)
Jugement très partisan, comme tout ce que dit « Notre-Dame de Sartre ». Sur ce coup, elle a globalement raison. Ne pas oublier quand même Jeanne d’Arc (qui n’était pas un homme, malgré certaines thèses) et une série de reines et régentes (Blanche de Castille, Catherine de Médicis…), de révolutionnaires (Mme Roland, Olympe de Gouges, Louise Michel…), d’auteurs et journalistes (George Sand, Louise Weiss, Françoise Giroud…). Etc.
Le Deuxième sexe reste un livre événement dans l’histoire du féminisme, mouvement qui ne s’est pas arrêté au vote des femmes, après la Libération. La Ve République, dans les années 1970, verra aboutir l’essentiel des luttes au féminin, d’où une égalité de droit, sinon de fait.
Notre série de citations sur l’histoire :
- Goethe : « De ce jour et de ce lieu date une ère nouvelle… »
- Eugène Pottier : « Du passé faisons table rase… »
Feuilletez les 20 premières pages
À ce rythme - 4 citations par jour - les 10 Chroniques de l’Histoire en citations sont à vous dans trois ans. Encore trois ans et vous aurez aussi le Dictionnaire. Mais que de temps perdu !
Faites un tour dans la Boutique, feuilletez les 20 premières pages de chaque volume et voyez si ça vaut le coût (4 € le volume).
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.