Petite histoire de la justice : 5e épisode. République en devenir.
La justice n’est jamais acquise. Après la Révolution (et la Première République), voici la Deuxième, le temps de tous les espoirs, brisés par le Second Empire.
La Troisième installe définitivement le régime républicain en France, mais l’anarchisme le conteste en multipliant les attentats sanglants. L’Affaire (Dreyfus), tragédie nationale, illustre à la fois un déni et un désir de justice.
« Ce gouvernement, je le caractérise d’un mot : la police partout, la justice nulle part. »2211
(1802-1885), Assemblée législative, avril 1851
L’Évolution de la pensée politique et sociale de Victor Hugo (1973), Michel Granet.
L’auteur le plus célèbre abandonne le théâtre (après l’échec des Burgraves) et se lance dans la politique. Élu député après la révolution de février 1848, il se fait remarquer par ses discours sous la Deuxième République.
Le parti de l’Ordre est devenu impopulaire, par ses lois réactionnaires ; les monarchistes sont divisés sur le nom d’un candidat, après la mort de Louis-Philippe (26 août 1850). Louis-Napoléon Bonaparte se pose en homme providentiel et sait se rallier un nombre grandissant de partisans.
Hugo qui avait mis son journal, L’Événement, au service de sa candidature, est désormais son principal opposant. Le libéral en lui est révolté. Le président de la République manipule l’opinion et exploite à son profit la peur : peur de la révolution, peur d’un vaste complot démocratique, peur de l’incertitude née de la Constitution qui empêche sa réélection en 1852. Des troubles dans le pays affolent le bourgeois. Napoléon III réussit son coup d’État et Hugo s’exilera près de vingt ans, devenant le plus célèbre opposant au Second Empire de « Napoléon le Petit ».
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Désormais, ces messieurs sauront qu’ils ont toujours une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête, ils voteront peut-être des lois plus justes. »2510
Auguste VAILLANT, Déclaration à la police qui l’interroge après son attentat, décembre 1893
Il veut faire entendre « le cri de toute une classe qui revendique ses droits ». L’inexistence d’un vrai programme social demeure l’une des faiblesses de la Troisième République – jusqu’au Front populaire.
« L’intervention d’un romancier, même fameux, dans une question de justice militaire m’a paru aussi déplacée que le serait, dans la question des origines du romantisme, l’intervention d’un colonel de gendarmerie. »2519
BRUNETIÈRE
Intellectuel type, conservateur en littérature par respect des classiques, il est antidreyfusard par respect des institutions : « Porter atteinte à l’armée, c’est fragiliser la démocratie. » Reste l’erreur judiciaire du siècle…
« Aujourd’hui, la vérité ayant vaincu, la justice régnant enfin, je renais, je rentre et reprends ma place sur la terre française. »2524
ZOLA, L’Aurore, 5 juin 1899
Le 3 juin, la Cour de cassation s’est prononcée pour « l’annulation du jugement de condamnation rendu le 22 décembre 1894 contre Alfred Dreyfus ». Dreyfus est sauvé, mais l’Affaire a déchiré la France.
« Nous voulons vaincre pour être justes. »2604
CLEMENCEAU, Chambre des députés, Déclaration ministérielle du 20 novembre 1917
Le « tombeur de ministères », le vieux républicain de 76 ans va devenir le « Père la Victoire », exerçant une véritable dictature, avec suprématie du pouvoir civil sur le militaire.
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