« Vive la République ! Quel rêve ! […] On est fou, on est ivre, on est heureux de s’être endormi dans la fange et de se réveiller dans les cieux. »
(1804-1876), Lettre au poète ouvrier Charles Poncy, 9 mars 1848, Correspondance (posthume)
La Dame de Nohant, de son vrai nom Amantine Aurore Lucile Dupin de Francueil, très populaire par ses romans humanitaires et rustiques, se précipite à Paris et s’enthousiasme comme ses confrères pour la République. Elle fonde La Cause du Peuple (hebdomadaire dont Sartre fera revivre le nom et qui deviendra Libération), elle ne pense plus qu’à la politique, le proclame, et s’affiche aux côtés de Barbès (émeutier révolutionnaire libéré de prison grâce à la récente révolution), Louis Blanc et Ledru-Rollin (membres du gouvernement provisoire).
« Le gouvernement est composé d’hommes excellents pour la plupart, tous un peu incomplets et insuffisants à une tâche qui demanderait le génie de Napoléon et le coeur de Jésus. »
George SAND (1804-1876), Lettre au poète ouvrier Charles Poncy, mars 1848. L’Écrivain engagé et ses ambivalences : de Chateaubriand à Malraux (2003), Herbert R. Lottman
Les « hommes excellents », Lamartine en tête, sont des républicains radicaux et surtout modérés, députés de l’opposition sous la Monarchie de Juillet – Ledru-Rollin, Marie, Dupont de l’Eure, Garnier-Pagès, Arago le savant – ou des journalistes de gauche – Marrast, rédacteur du National, Flocon de La Réforme – et quelques socialistes imposés par les forces révolutionnaires – Louis Blanc, Albert, un mécanicien. Pour eux, le plus dur est à venir, mais après une première série de décrets les premiers jours, ce gouvernement a déjà dû se rendre impopulaire en augmentant les impôts de 45 %, d’où le mécontentement des paysans. D’ailleurs, toute la province se méfie à présent des décisions venues de Paris. Les circulaires du radical Ledru-Rollin passent mal à Bordeaux, Besançon, Beauvais, Troyes. Il faut la caution de Lamartine pour rassurer les modérés qu’effraient aussi les premières manifestations de rues dans la capitale – le 17 mars, pour retarder la date des élections, reportées au 23 avril.
« J’ai honte aujourd’hui d’être Française, moi qui naguère en étais si heureuse […] Je ne crois plus à l’existence d’une république qui commence par tuer ses prolétaires. »
George SAND (1804-1876), Lettre à Charlotte Marliani, juillet 1848. Les Écrivains devant la Révolution de 1848 (1948), Jean Pommier
Elle écrit ces mots à sa confidente et amie, montrant à quel point son coeur est du côté des émeutiers. La « bonne dame de Nohant » n’aura pas la même inconditionnalité pour la Commune de Paris en 1871.
« Il faut s’avouer impuissant devant cette fatalité politique d’un nouvel ordre dans l’histoire : le suffrage universel. »
George SAND (1804-1876), Lettre à Joseph Mazzini, novembre 1848, Correspondance (posthume)
« Je travaille, j’attends le 10 décembre comme tout le monde. Il y a là un gros nuage, ou une grande mystification, et il faut s’avouer impuissant… » La dame de Nohant semble résignée, comme Lamartine. Et le peuple chansonne toujours, son arme favorité étant l’humour.
« Je sens une odeur de sacristie qui monte. »
George SAND (1804-1876), Lettre à Flaubert (1873). Cent Ans de République (1970), Jacques Chastenet
Le régime d’attente et de conservatisme fait l’objet de très vives attaques. Les républicains, en province, agitent devant les paysans l’épouvantail d’une restauration qui, en même temps qu’un roi, risque de ramener la dîme et les privilèges nobiliaires ! Les bonapartistes, souvent anticléricaux eux aussi, mènent à nouveau campagne et vont connaître un regain de popularité aux élections partielles.
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