Au fil du règne de Louis XV… Outre les amours anecdotiques, il y a surtout les philosophes essentiels.
L’humour prend toutes les formes, pour mieux faire passer les messages des « Lumières ». Si seulement nos philosophes contemporains prenaient exemple sur cet hier toujours vivant et plaisant !
« J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain […] On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage. »1138
(1694-1778), Lettre à Jean-Jacques Rousseau, 30 août 1755, Correspondance (posthume)
Citation bien connue et toujours amusante à redécouvrir. Ce jugement vise le Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, point de départ de la philosophie politique de Rousseau qui annonce déjà le Contrat social.
Il y a vraiment incompatibilité d’esprit entre les deux personnages et Rousseau, blessé à mort par ce trait d’esprit de son meilleur ennemi, écrit à son grand ami M. Moulton : « Je le haïrais davantage, si je le méprisais moins. » Ce n’est pas faire injure à Jean-Jacques, aussi passionné que parano, de dire qu’il manque d’humour au siècle de l’humour roi et fait en cela « bande à part ».
Voltaire et Rousseau s’opposent en tout. Rappelons le mot de Goethe : « Avec Voltaire, c’est un monde qui finit. Avec Rousseau, c’est un monde qui commence. » La Révolution va les réunir, au Panthéon.
Chaque époque a ses duels intellectuels célèbres et c’est tout à leur honneur : au XIXe, Proudhon et Marx, au XXe, Camus et Sartre. Reste que le XVIIIe est imbattable par ce mélange d’humour et de profondeur.
Toutes les citations qui suivent
sont commentées dans nos Chroniques.
« Il est très important de ne pas prendre de la ciguë pour du persil, mais nullement de croire ou de ne pas croire en Dieu. »1055
L’élève des jésuites a « mal » tourné, passant du déisme au scepticisme, puis à l’athéisme et au matérialisme. « La pensée qu’il n’y a point de Dieu n’a jamais effrayé personne ». Mais elle contrarie Voltaire, fervent déiste !
« Dieu ? Nous nous saluons, mais nous ne nous parlons pas. »1129
À un ami s’étonnant de le voir se découvrir devant le Saint-Sacrement, lors d’une procession en 1750.
« Je vois bien qu’on a pressé l’orange, il faut penser à sauver l’écorce. »1133
VOLTAIRE en 1752
Allusion au mot de Frédéric II, « son » despote éclairé : « J’aurai besoin de lui encore un an, tout au plus ; on presse l’orange et on jette l’écorce. »
« Faites vous-même le pape ! » « Fa el Papa ! » en v.o.1140
BENOIT XIV à Choiseul, ambassadeur de France à Rome, 1756
Humour papal, mais à 80 ans, le 245e pape perd patience : le clergé français ranime inutilement la querelle janséniste.
« Le pape est une idole à qui on lie les mains et dont on baise les pieds. »1141
Il s’amuse de cette nouvelle affaire religieuse, mais ces querelles partisanes discréditent les institutions : Église, Parlement, pouvoir.
« Le monstre est un chien qui aura entendu aboyer quelques chiens […] et qui aura pris la rage. »1144
Dit avec humour, bestiaire aidant, mais Voltaire prend quand même au sérieux l’attentat (raté) de Damiens contre le roi.
« La journée sera rude ! »1145
DAMIENS à qui sa condamnation est lue, 28 mars 1757
Succession de supplices atroces et publics. La Révolution donnera d’autres exemples d’humour face à la mort.
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