Voltaire est bon juge de son époque. Sévère comme tous ses confrères, mais avec plus d’humour que toute la bande des quatre philosophes réunis, et avec le recul de l’Européen et de l’historien (qu’il est aussi).
« Voici le temps de l’aimable Régence, Temps fortuné marqué par la licence. »1069
(1694-1778), La Pucelle, chant XIII (posthume, 1859)
Le jeune libertin néglige ses études de droit et se fait une réputation de bel esprit dans les salons, au grand dam de son père. Il salue le nouveau régime (1715), en décasyllabes allègres : « Le bon Régent, de son Palais-Royal / Des voluptés donne à tous le signal… » L’effronté passera par la case Bastille, pour tant d’insolence. Malgré cet incident de parcours, l’arrivée de Philippe d’Orléans au pouvoir libère d’un coup les mœurs d’une société lasse du rigorisme imposé par Mme de Maintenon à la cour de Louis XIV, laquelle donnait le ton au pays.
Cependant, la fête concerne les classes privilégiées, plus que le peuple. Voltaire en sera toujours conscient, d’ailleurs sans mauvaise conscience, si heureux de vivre à son époque : « Oh ! le bon temps que ce siècle de fer ! »
« Pour nous autres Français, nous sommes écrasés sur terre, anéantis sur mer, sans vaisselle, sans espérance ; mais nous dansons fort joliment. »1157
VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à M. Bettinelli, 24 mars 1760, Correspondance (posthume)
La guerre ne se joue pas sur le sol de France et ne menace pas tragiquement ses frontières, comme au siècle dernier ou au siècle suivant. Mais elle coûte de plus en plus cher au pays et la fiscalité s’alourdit : la capitation est augmentée, on instaure un troisième vingtième jusqu’à la paix. Le problème n’est pourtant pas que financier. L’armée n’a pas de chefs dignes de ce nom, les hommes de gouvernement se révèlent incapables de gérer la situation et Louis XV n’est vraiment pas fait pour son métier de roi.
« Les Parisiens sont aujourd’hui des sybarites, et crient qu’ils sont couchés sur des noyaux de pêche, parce que leur lit de roses n’est pas assez bien fait. »1183
VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à Mme de Florian, 1er mars 1769, Correspondance (posthume)
L’épicurien libertin qui chantait « le superflu, chose très nécessaire » juge à présent ses contemporains avec la sagesse d’un vieux philosophe.
Le règne de Louis XV fut un temps de longue prospérité, aux conséquences multiples : raffinement des mœurs, luxe de la bonne société grisée par sa propre civilisation, éclat sans pareil du Paris des salons, des cafés, des clubs et des spectacles, rayonnement culturel de la France en Europe. Pour la masse des quelque 20 millions de paysans, cela s’est traduit par un réel mieux-être : malgré les charges fiscales, le seuil de subsistance est dépassé.
« Les rois sont avec leurs ministres comme les cocus avec leurs femmes : ils ne savent jamais ce qui se passe. »952
VOLTAIRE (1694-1778), Le Sottisier (posthume, 1880)
Louis XV s’intéressa sans doute tardivement à son métier de roi – historiens partagés sur ce point. Louis XVI, très consciencieux mais trop jeune et si faible, fut vite dépassé par la situation et la complexité des problèmes !
Malheureusement, les ministres eux-mêmes sont fort peu au courant de l’état du royaume, faute de bonnes enquêtes pour éclairer leur politique. Et la cour est un milieu si vain, si futile, dénoncé dans les Lettres philosophiques (ou Lettres anglaises), « première bombe lancée contre l’Ancien Régime » (Gustave Lanson) qui vaudra bien des ennuis à Voltaire : « Je ne sais pourtant lequel est le plus utile à un État, ou un seigneur bien poudré qui sait précisément à quelle heure le Roi se lève, à quelle heure il se couche et qui se donne des airs de grandeur en jouant le rôle d’esclave dans l’antichambre d’un ministre, ou un négociant qui enrichit son pays, donne de son cabinet des ordres à Surate et au Caire, et contribue au bonheur du monde. »
« Les ministres passent en revue comme dans une lanterne magique. Par ma foi, notre siècle est un pauvre siècle, après le siècle de Louis XIV. »1154
VOLTAIRE (1694-1778), Lettre à Mme du Deffand, novembre 1758, Correspondance (posthume)
Il a consacré un livre passionnant au Siècle de Louis XIV. Pour le génie, le goût et la gestion de l’État, la comparaison n’est pas en faveur du XVIIIe. Et à l’inverse du Roi-Soleil, Louis XV et plus tard Louis XVI ont une fâcheuse tendance à laisser tomber les hommes choisis pour leur servir.
Voltaire, certes pas révolutionnaire (à l’inverse de Rousseau), mais attentif et curieux, pressent la fin de l’Ancien Régime : « Tout ce que je vois jette les semences d’une révolution qui arrivera immanquablement et dont je n’aurai pas le plaisir d’être témoin. Les Français arrivent tard à tout, mais enfin, ils arrivent… Les jeunes gens sont bienheureux ; ils verront de belles choses. » Lettre au marquis de Chauvelin, 2 avril 1764.
Notre portrait de Voltaire en citations :
- Lamartine : « Voltaire, quel que soit le nom dont on le nomme… »
- Voltaire : « Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer. »
- Voltaire : toutes les citations sont à retrouver dans notre indexation.
Feuilletez les 20 premières pages
À ce rythme - 4 citations par jour - les 10 Chroniques de l’Histoire en citations sont à vous dans trois ans. Encore trois ans et vous aurez aussi le Dictionnaire. Mais que de temps perdu !
Faites un tour dans la Boutique, feuilletez les 20 premières pages de chaque volume et voyez si ça vaut le coût (4 € le volume).
Vous avez aimé ces citations commentées ?
Vous allez adorer notre Histoire en citations, de la Gaule à nos jours, en numérique ou en papier.