« Vous êtes roi, vous pleurez et je pars. »

« Vous êtes roi, vous pleurez et je pars. »802

Marie MANCINI (1639-1715), à Louis XIV, le 22 juin 1659

Annales dramatiques, ou Dictionnaire général des théâtres (1809), Babault ed.

L’une des scènes d’amour contrarié les plus célèbres et citées de l’histoire de France : traitée en chronique par Saint-Simon, l’abbé de Choisy, Voltaire, reprise par Dumas dans son roman, Le Vicomte de Bragelonne (suite des Trois Mousquetaires), elle va surtout inspirer la Bérénice de Racine et l’un de ses plus beaux vers au tragédien.

Situation classique : deux amants sacrifiés à la raison d’État. L’identité des héros et les coulisses du drame rendent la scène fascinante. Marie Mancini est une mazarinette, nièce de Mazarin et Précieuse pas du tout ridicule, fine lettrée, à l’esprit romanesque. Mignonne, quoique maigre pour l’époque. Plus séduisante, sa sœur Olympe a déjà ému le jeune Louis XIV, bientôt très porté sur la Femme.

Marie est sa première grande passion – platonique, dit-on. Il lui parle mariage, mais sa mère Anne d’Autriche s’y oppose. Union indigne du roi de France et inutile au pays, alors que Mazarin prépare le mariage de Louis avec l’infante Marie-Thérèse d’Espagne.

Sur l’ordre de son oncle, la mazarinette de 20 ans est donc éloignée de la cour, puis obligée de dire adieu à son amoureux, très affecté : « Vous êtes roi, vous pleurez et je pars. » Une perle en dix pieds. En alexandrin, Bérénice lui fait écho en 1670, contrainte pour la même raison de se séparer de Titus : « Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez. »

« Hélas ! Vous ne me laisserez donc voir mon seigneur ni morte ni vive ! »211

Marguerite de Provence (1221-1295), à Blanche de Castille, 1240

Le Livre des saintes paroles et des bons faits de notre saint roi Louis (posthume), Jean de Joinville

Cri du cœur de la reine, quand son intraitable belle-mère veut arracher Louis de son chevet.

Venant d’accoucher, la reine « était en grand péril de mort ». Elle donnera douze enfants au roi, dont sept vivront. La mortalité infantile fait des ravages et pas seulement dans le peuple.

La régence de Blanche de Castille s’est achevée à la majorité du jeune roi et Louis IX laisse sa mère gouverner encore huit années. Elle redevient régente, quand son fil part à la croisade, en 1248. Marguerite accompagnera son seigneur, sûre de pouvoir ainsi le voir et l’avoir bien à elle – une raison avancée par certains historiens. La raison vaut-elle aussi pour le futur saint Louis ?

« Je ne me soucie pas qu’il m’aime, je me soucie qu’il m’épouse. »911

Mlle de BLOIS (1677-1749), lors de son mariage avec le futur Régent, Philippe d’Orléans, janvier 1692

Nouvelle collection des mémoires pour servir à l’histoire de France : depuis le XIIIe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe (1837), J. Michaud, J. J. F. Poujoulat.

Cette fois, personne ne parle d’amour !

À 15 ans, Françoise-Marie de Bourbon, fille de Louis XIV et de Mme de Montespan (maîtresse en titre), ne s’embarrasse pas de sentiments. L’abbé Dubois, précepteur de Philippe, l’a influencé en sa faveur, alors que sa propre mère, la princesse Palatine, s’indigne haut et fort : le roi marie son neveu à une bâtarde !

« On peut tomber amoureux de mademoiselle de Montijo, mais on ne l’épouse pas. »2255

Princesse MATHILDE (1820-1904)

Napoléon III ou l’empire des sens (2010), Michel de Decker

Ce sera un vrai mariage d’amour, mais tout le monde est contre à la cour.
 
Mathilde-Létizia Wilhelmine Bonaparte, dite « la princesse Mathilde », fille de Jérôme Bonaparte (roi de Westphalie et frère de Napoléon Ier), cousine germaine de Napoléon III, auquel elle fut fiancée adolescente, se montre bien méprisante.

Séparée d’un richissime parvenu russe, richement pensionnée, elle vit avec un sculpteur et tient fort élégamment la maison de son cousin Président. Elle va perdre son rôle à la cour quand Eugénie entre dans la vie de Napoléon III. Il a répondu : « Je l’aime, c’est elle que je veux. »

Seul honnête homme dans l’équipe d’aventuriers qui prépara le complot du 2 décembre 1851, le duc de Persigny se retrouve ministre de l’Intérieur de l’empereur et renchérit : « Ce n’est pas la peine d’avoir risqué le coup d’État avec nous tous pour épouser une lorette. » La « lorette » est quand même une jeune fille de la noblesse espagnole (par son père, trois fois Grand d’Espagne), fort belle, moins sotte qu’on ne le dira. Mais sa mère irlandaise, quelque peu aventurière, promenait sa fille en Europe dans l’espoir d’un bon mariage. Et l’empereur en est fou !

Il l’épousera donc, contre l’avis de tout son entourage, le 29 janvier 1853. L’impératrice, épouse bientôt déçue, mère passionnée, catholique dans l’âme et conservatrice convaincue, se mêlera de politique jusqu’à la chute de l’Empire (1870) et survivra presque un demi-siècle à son mari.

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