Le gouvernement tombe dans le piège des accords de Munich (1938), la France est victime de ses divisions et de son impréparation à la guerre - devenue inévitable. Prise de conscience nationale datée d’un premier sondage de décembre 1938 : trop tard ! L’Histoire peut servir de leçon, mais ne se répète jamais - elle bégaie.
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« S’il s’agit de démembrer la Tchécoslovaquie, la France dit non. S’il s’agit de permettre à trois millions de Sudètes qui veulent être allemands de le devenir, nous sommes d’accord. »2698
(1884-1970), président du Conseil, Conférence de Munich (29-30 septembre 1938)
1934-1939 (1968), Michel Ragon.
Voulant sauver la paix à tout prix, France et Grande-Bretagne cèdent face à Hitler, abandonnant cette fois un pays allié, en reconnaissant l’annexion des Sudètes, au prétexte d’une minorité allemande dans ce territoire. L’accord de Munich est ratifié par la Chambre, 535 voix contre 75. Ont voté non : 73 communistes et 2 non communistes. L’Humanité dénonce « le brigandage commis à Munich », et Henri de Kérillis écrit dans un journal de droite, L’Époque : « Trente divisions allemandes débarrassées de tout souci vont se tourner vers nous. »
« Je sais bien que nous nous réveillerons de cette joie et qu’au-delà de ce grand mur de Versailles abattu par le poing allemand, une route inconnue s’ouvre pour nous, pleine d’embûches. »2699
François MAURIAC (1885-1970), Le Temps présent
Lucidité au lendemain de Munich du romancier célèbre, qui a déjà témoigné contre les cruautés de la guerre civile espagnole aux côtés de l’autre grand romancier chrétien, Bernanos. Léon Blum dénonce le « lâche soulagement ». Daladier lui-même, en signant, savait sans doute la guerre inéluctable et se résignait au pire, tout en le différant.
« Le Français se fait rare. »2629
Jean GIRAUDOUX (1882-1944), 1939. Le Siècle des intellectuels (1997), Michel Winock
La dénatalité le hante à partir de 1935 : après les coupes sombres de la guerre de 1914-1918 (1,4 million de morts ou disparus), la population française diminue. On peut parler de catastrophe nationale, si on compare avec l’Allemagne en 1939 : 41 millions face à 70 millions ! La démographie ne risque-t-elle pas de faire la loi à la démocratie ?
« J’aime la France comme ma mère, mais ma mère ne voudrait pas que je meure, fût-ce pour elle. »2700
Henri JEANSON (1900-1970). Dictionnaire des citations de l’histoire de France (1990), Michèle Ressi
Mot d’un des plus fameux scénaristes-dialoguistes de films, munichois de gauche comme il y en eut beaucoup. Toutes les familles, tous les partis politiques n’en finissent plus de se diviser sur l’échiquier des pacifistes et des bellicistes.
« On dirait bientôt : les soldats de 38 – comme on disait : les soldats de l’an II, les poilus de 14. Ils creuseraient leurs trous comme les autres, ni mieux ni plus mal, et puis ils se coucheraient dedans, parce que c’était leur lot. »2701
Jean-Paul SARTRE (1905-1980), Le Sursis (1945)
Bourgeois ennemi de sa classe, philosophe et écrivain de gauche qui s’engagera à l’extrême, Sartre est pensionnaire à l’Institut français de Berlin, quand Hitler prend le pouvoir (1933-1934). Son premier grand roman, La Nausée, est publié l’année même de Munich et le climat de Munich sert de toile de fond au Sursis. Munich, cet accord, c’est « le sursis », avant la guerre, inévitable. Il n’est qu’à entendre la voix d’Hitler à la radio, devenue moyen de communication de masse.
« La France et l’Angleterre doivent désormais résister à toute nouvelle exigence de Hitler. »2702
Avis de 70 % des Français, selon un sondage de décembre 1938
Fait politique : revirement de l’opinion publique. En septembre, 57 % des Français étaient encore favorables aux accords de Munich. Mais la montée de l’hitlérisme est mieux saisie et la bourgeoisie a moins peur de la révolution, après l’échec syndical de la CGT. Fait de société : premiers sondages d’opinion publique en France – nés aux USA, fin 1936, à l’initiative d’un journaliste et statisticien, George Horace Gallup, fondateur de l’institut portant son nom. D’août 1938 à juillet 1939, près de trente sondages face aux problèmes extérieurs : une source d’information devenue indispensable.
« Croquemitaine se dégonflera. »2705
Paul CLAUDEL (1868-1955), Le Figaro, 19 août 1939
Claudel fait naturellement allusion à Hitler. Le dramaturge qui fut également diplomate, de 1893 à 1936, se trompe. Hitler envahit la Pologne, le 1er septembre.
« Ayez l’armée de votre politique ou la politique de votre armée. »2707
Paul REYNAUD (1878-1966), ministre des Finances du gouvernement Daladier, Chambre des députés
Dès 1935, il voulait renforcer notre armée, adoptant les idées du lieutenant-colonel de Gaulle sur les blindés – qui font la force de l’Allemagne. Mais il était très isolé et de Gaulle inconnu. L’Allemagne envahit la Pologne, le 1er septembre 1939. Le 2, la Chambre et le Sénat vont voter à mains levées et à l’unanimité un crédit extraordinaire de 69 milliards pour « faire face aux obligations résultant de la Défense nationale » : cela signifie que la guerre va être déclarée.
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