De Gaulle revient au pouvoir : « le plus illustre des Français », rappelé par René Coty, dernier président de la (Quatrième) République, pour régler le « problème algérien ». Contexte tragique d’une guerre civile qui déchire la France. Sens de l’humour, contact direct avec les Français, forme plus ou moins improvisée, selon les circonstances, toujours au service du fond, parfaitement pesé.
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« Pourquoi voulez-vous qu’à soixante-sept ans je commence une carrière de dictateur ? »2923
(1890-1970), conférence de presse, 19 mai 1958
1958, le retour de De Gaulle (1998), René Rémond.
Le général tient à tranquilliser l’opinion et diverses oppositions. Pour conclure : « J’ai dit ce que j’avais à dire. À présent, je vais rentrer dans mon village et m’y tiendrai à la disposition du pays. »
« Je vous ai compris ! »2930
Charles de GAULLE (1890-1970), Discours au balcon du gouvernement général à Alger, 4 juin 1958
Que n’a-t-on dit sur ces quatre mots ! Dans ses Mémoires, l’auteur explique : « Mots apparemment spontanés dans la forme, mais au fond bien calculés, dont je veux qu’elle [la foule] s’enthousiasme, sans qu’ils m’emportent plus loin que je n’ai résolu d’aller. » En 1966, il confie à André Passeron (journaliste du Monde) : « J’ai toujours su et décidé qu’il faudrait donner à l’Algérie son indépendance. Mais imaginez qu’en 1958, quand je suis revenu au pouvoir, je disais sur le Forum d’Alger qu’il fallait que les Algériens prennent eux-mêmes leur gouvernement, il n’y aurait plus eu de De Gaulle immédiatement ! »
« La télévision, c’est le gouvernement dans la salle à manger de chaque Français. »2955
Alain PEYREFITTE (1925-1999). La Télévision et ses promesses (1960), André Brincourt
Parole du ministre de l’Information. Voilà un mot qui date, on pourrait presque parler d’Ancien Régime. Les mass media, télé en tête, font pour le pire et le meilleur la révolution culturelle des temps modernes. La « télécratie », fait de société aussi indiscutable que discuté, c’est d’abord le JT (Journal télévisé) devenu grand-messe (bi)quotidienne. Au xxie siècle, la multiplication des chaînes rend l’offre pléthorique, cependant que l’ordinateur et l’Internet changent la donne, créant une collection de micro-médias et de réseaux à la fois décentralisés et interconnectés. Ainsi naît un autre monde.
« Le général de Gaulle se tient sous le regard du général de Gaulle qui l’observe, qui le juge, qui l’admire d’être si différent de tous les autres hommes. »2976
François MAURIAC (1885-1970), De Gaulle (1964)
Témoin de son temps et fervent gaulliste, mais jamais du style « godillot » : « Que de Gaulle se voie lui-même comme un personnage de Shakespeare et comme le héros d’une grande histoire, cela se manifeste clairement chaque fois (et c’est souvent) qu’il parle de lui à la troisième personne. »
« Je quitte, par intervalles, le cortège officiel afin d’aborder la foule et de m’enfoncer dans ses rangs. »2977
Charles de GAULLE (1890-1970), Mémoires de guerre, tome III, Le Salut, 1944-1946 (1959)
Bains de foule popularisés par le petit écran où l’on voit émerger le président, dominant d’une tête les vagues se pressant autour de lui. Ses Mémoires évoquent cette relation de toujours avec le peuple français : « Serrant les mains, écoutant les cris, je tâche que ce contact soit un échange de pensées. Me voilà, tel que Dieu m’a fait ! voudrais-je faire entendre à ceux qui m’entourent. Comme vous voyez, je suis votre frère, chez lui au milieu des siens. »
« La conférence de presse du général de Gaulle est une œuvre d’art. L’orateur survole la planète, rappelle le passé et jette des rayons de lumière sur l’avenir. Il distribue blâmes ou éloges aux uns et aux autres, il couvre de mépris ses adversaires et il ne dissimule pas la satisfaction que lui inspire la France qu’il façonne. »2978
Raymond ARON (1905-1983), Le Figaro, 25 janvier 1963
Comme le bain de foule, c’est une institution : « exercice de haute voltige politico-historique » qui fascine ses témoins, tel Jean Lacouture, biographe du général : « Toujours derrière un pupitre, sur une chaire, pour nous enseigner sa leçon unique : que, sans la France, le monde n’est pas digne de vivre. Que, sans de Gaulle, la France n’est pas apte à survivre. »
« Je m’adresse à la France. Eh bien, mon cher et vieux pays, nous voici donc ensemble encore une fois, face à une nouvelle épreuve. »2989
Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, 29 janvier 1960. De Gaulle (1964), François Mauriac
Guerre d’Algérie. Omniprésent sur tous les fronts, le président excelle dans la communication directe avec les Français. Il s’est mis en tenue militaire, pour traiter du drame national. La semaine des Barricades a commencé à Alger, le 24 janvier.
« Françaises, Français […] j’ai besoin de savoir ce qu’il en est dans les esprits et dans les cœurs, c’est pourquoi je me tourne vers vous par-dessus tous les intermédiaires. En vérité, qui ne le sait, l’affaire est entre chacune de vous, chacun de vous et moi-même. »2997
Charles de GAULLE (1890-1970), Allocution radiotélévisée, 6 janvier 1961, deux jours avant le referendum sur l’autodétermination
Il demande au peuple français d’approuver le principe de l’autodétermination du peuple algérien. « Oui » à plus de 75 %. Les électeurs n’ont pas suivi les consignes des partis politiques et, comme de Gaulle, ont négligé ces intermédiaires.
« La récréation est finie. »3056
Charles de GAULLE (1890-1970), Orly, samedi 18 mai 1968. Mai 68 et la question de la révolution (1988), Pierre Hempel
Mai 68, dernier combat du général. Débarquant d’avion, de retour d’un voyage en Roumanie qu’il n’a pas voulu différer, mais juste écourter, il dit aussi : « Ces jeunes gens sont pleins de vitalité. Envoyez-les donc construire des routes. » Volonté présidentielle de dédramatiser la situation.
« La réforme, oui, la chienlit, non. »3057
Charles de GAULLE (1890-1970), Bureau de l’Élysée, dimanche matin, 19 mai 1968
Il ordonne le nettoyage de la Sorbonne et de l’Odéon. Trop risqué ! Ses interlocuteurs obtiennent un sursis. Le 20 mai, un slogan sous une marionnette en habit de général : « La chienlit, c’est lui. » Avec 6 à 10 millions de grévistes et ce qui s’ensuit. Le pouvoir va finalement gagner la partie avec les élections de juin, mais l’année suivante, le président perd son referendum et démissionne : « Cas sans précédent de suicide en plein bonheur » dira Mauriac. Le général avait surtout perdu le contact avec un pays et une jeunesse qu’il ne comprenait plus.
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