« Petite histoire de la com. »
On trouve tout, dans l’Histoire en citations, du plus futile (gazette amoureuse, potins et rumeurs) au plus sérieux (batailles, traités, politique et idéologie).
Entre les deux, nous consacrons cette semaine à une petite histoire de la communication : « Fait, pour une personnalité, de se donner telle ou telle image vis-à-vis du public. » (Larousse)
Voici la preuve par six (six jours, six personnages) que cette pratique existe depuis les origines. Elle fonctionne vraiment si le fond répond à la forme et l’être se mêle au paraître.
Au Moyen Âge, trois grands communicateurs. Charlemagne s’impose avec son empire carolingien, sa politique culturelle, son sacre en apothéose (800). Louis IX gère son image de (futur) saint et de guerrier, fidèlement servi par son ami et chroniqueur Joinville. Mais la première place du podium revient à Jeanne d’Arc.
Inspirée directement par Dieu, conseiller en communication sans égal en ce bas monde, au pays des croisades et des cathédrales, notre première icône nationale impose en quelques mois son image (jeune fille héroïque), sa politique (sauver la France en Guerre de Cent Ans avec les Anglais) et sa légende (toujours vivante).
Feuilletez la Chronique sur le Moyen Âge pour en savoir plus.
« Une enfant de douze ans, une toute jeune fille, confondant la voix du cœur et la voix du ciel, conçoit l’idée étrange, improbable, absurde si l’on veut, d’exécuter la chose que les hommes ne peuvent plus faire, de sauver son pays. »334
(1798-1874), Jeanne d’Arc (1853)
Le personnage inspire ses plus belles pages à l’historien : « Née sous les murs mêmes de l’église, bercée du son des cloches et nourrie de légendes, elle fut une légende elle-même, rapide et pure, de la naissance à la mort. » D’autres font de Jeanne une bâtarde de sang royal, demi-sœur de Charles VII. Princesse ou bergère, elle s’impose en personnage providentiel qui va galvaniser les énergies et rendre l’espoir à tout un peuple – à commencer par son roi.
« Dieu premier servi. »339
JEANNE d’ARC (1412-1431), devise
« Messire Dieu », le « roi du Ciel », le « roi des Cieux », obsessionnellement invoqué ou évoqué par Jeanne, aux moments les plus glorieux ou les plus sombres de sa vie. Cette foi forte et fragile est à l’image du personnage.
« En nom Dieu, je ne crains pas les gens d’armes, car ma voie est ouverte ! Et s’il y en a sur ma route, Dieu Messire me fraiera la voix jusqu’au gentil Dauphin. Car c’est pour cela que je suis née. »335
JEANNE d’ARC (1412-1431), quittant Vaucouleurs, fin février 1429
Elle répond à ceux qui s’effraient en pensant qu’elle va devoir traverser la France infestée d’Anglais et de Bourguignons. À peine âgée de 17 ans, elle parvient à persuader le sire de Baudricourt, capitaine royal de Vaucouleurs, de lui donner une escorte ! Et elle se met en route pour Chinon où se trouve le dauphin.
« Je viens de la part du roi des Cieux pour faire lever le siège d’Orléans et pour conduire le roi à Reims pour son couronnement et son sacre. »336
JEANNE d’ARC (1412-1431), Château de Chinon, 7 mars 1429
Réponse aux conseillers de Charles VII qui lui demandent pourquoi elle est venue. Curieusement, sa réponse ne semble pas surprendre les conseillers. Le lendemain, elle est conduite dans la salle du trône, au château de Chinon.
« Gentil Dauphin, j’ai nom Jeanne la Pucelle […] Mettez-moi en besogne et le pays sera bientôt soulagé. Vous recouvrerez votre royaume avec l’aide de Dieu et par mon labeur. »337
JEANNE d’ARC (1412-1431), château de Chinon, 8 mars 1429
Le dauphin, qui croit d’abord à une farce, est caché parmi ses partisans, et le comte de Clermont placé près du trône. Au lieu de se diriger vers le comte, Jeanne va directement vers Charles et lui parle ainsi, à la stupeur des témoins.
« Entrez hardiment parmi les Anglais ! Les Anglais ne se défendront pas et seront vaincus et il faudra avoir de bons éperons pour leur courir après ! »342
JEANNE d’ARC (1412-1431), Harangue aux capitaines, Patay, 18 juin 1429
Nouvelle victoire, défaite des fameux archers anglais, revanche de la cavalerie française. Auxerre, Troyes, Chalons ouvrent la route de Reims aux Français qui ont repris confiance en leurs armes et se réapproprient leur terre de France.
« Jeanne, croyez-vous être en état de grâce ?
— Si je n’y suis, Dieu veuille m’y mettre ; si j’y suis, Dieu veuille m’y tenir. »344JEANNE d’ARC (1412-1431), Rouen, procès de Jeanne d’Arc, 24 février 1431
Jeanne subit une suite d’interrogatoires minutieux et répétitifs, en deux procès. Les minutes sont les sources originales et précieuses. Ses réponses inspirées sont reprises quasiment mot pour mot dans les pièces et les films tirés de sa vie.
« Nous sommes perdus, nous avons brûlé une sainte. »348
Secrétaire du roi d’Angleterre, après l’exécution de Jeanne, Rouen, 30 mai 1431. Histoire de France, tome V (1841), Jules Michelet
Mot attribué aussi à l’évêque de Beauvais, Pierre Cauchon. Condamnée au bûcher comme hérétique et relapse, brûlée vive, ses cendres sont jetées dans la Seine. Il fallait éviter tout culte posthume de la Pucelle, autour des reliques. Mais le mystère nourrit la légende et la fulgurance de cette épopée rend le personnage toujours fascinant, six siècles plus tard.
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