« Quand donc finira cette boucherie de députés ? Il est temps de faire cesser la terreur contre les représentants. » Claude Basire au club des Jacobins, 10 novembre 1793.
Les députés ne sont pas seuls victimes de la Terreur. Mais certains, particulièrement visés par la « régénération guillotinière », vont faire le coup d’État de Thermidor (26-28 juillet 1794), mettant fin à la dictature de Robespierre. L’Histoire en citations s’en fait l’écho.
Robespierre a pratiquement tout pouvoir et impose sa vision à la fois pure et dure de la Révolution, avec son alter ego, Saint-Just, très jeune théoricien à la rigueur extrême. Peut-on enfin espérer une issue heureuse à cette Première République ?
À feuilleter pour tout savoir.
« Le peuple français reconnaît l’existence de l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. »1586
(1758-1794), Convention, Rapport du 7 mai 1794 (décret du 18 floréal an II)
Le XIXe siècle et la Révolution française (1992), Maurice Agulhon.
La déchristianisation de la France est en bonne voie : cloches fondues pour récupérer le métal, calendrier républicain où les saints ont disparu, repos dominical et fêtes religieuses supprimées. Mais Robespierre sait que le peuple a besoin d’une forme de spiritualité, ne serait-ce que pour encourager le civisme.
Mettant en accord idées religieuses et principes républicains, il réaffirme que « le fondement de la société, c’est la morale (au nom de quoi) il sera institué des fêtes pour appeler l’homme à la poésie de la divinité ». La fête de l’Être suprême, couronnement spirituel de la démocratie selon Robespierre, est fixée au 8 juin.
« Le bonheur est une idée neuve en Europe. »1578
SAINT-JUST (1767-1794), Convention, Rapport du 3 mars 1794 (second décret de ventôse, le 13)
Le très jeune président de la Convention tente de donner au pouvoir révolutionnaire une base économique et sociale, par deux décrets de ventôse : confiscation des biens des émigrés et redistribution aux patriotes indigents. « Que l’Europe apprenne que vous ne voulez plus un malheureux ni un oppresseur sur le territoire français ; que cet exemple fructifie sur la terre ; qu’il y propage l’amour des vertus et le bonheur ! »
La citation a une portée plus générale et le « bonheur de tous » est inscrit comme un but dans la Déclaration des droits de 1789. Il y a pourtant un double paradoxe dans cette phrase : datée de la période tragique de la Terreur, elle associe la notion de bonheur au personnage de Saint-Just qui n’en est pas le vivant symbole. Pas plus que son ami Robespierre !
« Ayez des fêtes générales et plus solennelles pour toute la République ; ayez des fêtes particulières et pour chaque lieu qui soient des jours de repos […] Que toutes tendent à réveiller les sentiments généreux qui font le charme et l’ornement de la vie humaine, l’enthousiasme de la liberté, l’amour de la patrie, le respect des lois. »1593
ROBESPIERRE (1758-1794), philosophie de la Fête de l’Être suprême, 8 juin 1794 (20 prairial an II)
Couronnement spirituel de la démocratie selon Robespierre, grandiose spectacle mis en scène par le peintre David : bouquet d’épis, de fruits et de fleurs à la main, le nouveau président de la Convention marche en tête du cortège, des Tuileries au Champ de Mars, devant une foule estimée à 400 000 personnes (pour 600 000 Parisiens à l’époque). Chiffre sans doute exagéré, mais tableaux et gravures témoignent de cette masse humaine, comparable, quatre ans plus tôt, au rassemblement national, à la Fête de la Fédération. Il y a quelques ricanements et quelques mots contre le tyran du jour, mais on sent surtout beaucoup d’émotion, d’admiration et d’espoir.
Robespierre est le premier à croire à cette utopie. Il est déiste à la manière de Rousseau, et non athée (comme Fouché, Hébert ou Danton). Le culte de l’Être suprême, influencé par les Lumières, est une « religion » qui se traduit par une série de fêtes civiques : le but est de réunir périodiquement les citoyens et de « refonder » spirituellement la Cité, mais surtout de promouvoir des valeurs sociales, abstraites et majuscules, comme l’Amitié, la Fraternité, le Genre humain, l’Enfance, la Jeunesse ou le Bonheur.
« On crut que Robespierre allait fermer l’abîme de la Révolution. »1594
Jacques François MALLET du PAN (1749-1800), après la fête de l’Être suprême, juin 1794
Réfugié à Berne, rapporteur pour les cours étrangères, il témoigne également dans ses Mémoires. Après les fureurs de la déchristianisation (culte de la Raison) et de la Terreur révolutionnaire, cette manifestation nationale du 20 prairial an II impressionne et rassure les voisins de la France. Mais ça ne dure guère, et la nouvelle religion n’adoucit pas les mœurs.
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