Notre Panthéon républicain et ses paradoxes.
C’est la Révolution qui donne pour la première fois à cette église une vocation honorifique et patriotique.
Les critères de sélection au mérite varient selon les époques et la politique - rien de plus normal. Mais le premier chassé-croisé entre Mirabeau (traître à la patrie) et Marat (« Ami du peuple » bien sanguinaire) fait tout de suite désordre. Désormais, on prendra son temps pour vérifier que l’entrant est digne de cet honneur national - une exception, Hugo, sitôt mort, sitôt panthéonisé. De Gaulle aurait eu sa place, mais non, pas question de finir dans « ce nid à poussière, sans air et sans lumière », dit-il à Pompidou.
Le manque d’égalité entre les sexes est choquant. Au XXe siècle, la première femme n’entre qu’à la suite de son mari (Sophie, femme de Marcellin Bertelot, scientifique). Marie Curie est prise pour ses mérites propres, en même temps que Pierre Curie, tous deux prix Nobel… En mai 2015, deux résistantes sont honorées en tant que telles, Germaine Tillion et Geneviève de Gaulle-Anthonioz (nièce du général). Enfin, 77e entrée, Simone Veil (avec son mari), cinquième femme.
Cette comptabilité officielle oublie un Nom, Jeanne d’Arc. C’est l’invitée surprise !!! Certes, son corps ne repose pas au Panthéon, vu que ses cendres ont été soigneusement dispersées pour éviter un culte… qui se développe d’ailleurs aussitôt. Mais les restes de bien des rois ont connu le même sort, au fil des révolutions et des profanations, notamment à Saint-Denis. Dieu reconnaitra les siens…
Jeanne d’Arc, vie et mort, n’en est pas moins honorée : panthéonisée de la plus officielle et spectaculaire des manières, promue héroïne nationale quand la toute jeune (Troisième) République a besoin de référence religieuse et de symboles révolutionnaires (drapeau, hymne, fête nationale du 14 juillet). La « Vie de Jeanne d’Arc », peinte par Lenepveu (commande publique de 1874), se déroule en quatre panneaux : Jeanne entend les voix à Domrémy - libère Orléans - assiste au sacre de Charles VII - meurt sur le bûcher.
Entre légende et vérité, l’Histoire en citations fait la part belle à notre première héroïne.